Des jeux vidéos des années 90🔗

Posted by Médéric Ribreux 🗓 In blog/ Vie-courante/

#games #nostalgie

Introduction

Je suis un enfant des années 80… et un ado des années 90 ! Les ordinateurs ont marqué ma jeunesse et j'ai grandi à leur contact. A l'époque, j'étais émerveillé par ces engins hors du commun capables de réaliser ce que je prenais pour des prouesses. Cette époque des débuts de la micro-informatique (enfin, disons la période du début de l'industrialisation du sujet) était vraiment particulière. Comme j'étais jeune, je n'avais pas le recul que j'ai aujourd'hui et maintenant que j'ai un peu de bouteille, je peux enfin avoir un regard un peu critique et construit sur le sujet. Ce qui m'excitait outre mesure étaient les jeux vidéos. Combien d'heures passées sur ces logiciels en mode 2D, pleins de sprites et de pixels ? Sans doute beaucoup trop…

Il n'y a pas si longtemps, je me suis pris à retrouver des vielles émissions de MicroKids. Le travail des gens de abandonware-videos.org est impressionnant. Grâce à leurs efforts, j'ai pu re-visionner ce que j'avais vu étant gamin. Je me suis souvenu de certains épisodes et cela m'a permis de me rendre compte à quel point le cerveau a de la mémoire pour des choses futiles (il y a presque 20 ans les amis tout de même !). Au fil des émissions, j'ai été frappé par ce que je n'avais pas ressenti ou simplement compris à l'époque. Cette surprise étant tellement immense, je tiens à vous faire part ici et maintenant de tout ces éléments de la période 1991-1997…

Premier constat: c'est déjà l'heure du professionnalisme !

Hé oui, on aurait pu s'attendre qu'à l'époque, il était possible de se lancer comme auteur de jeux vidéos en amateur et de faire fortune en vendant son soft. Mais en fait, l'industrie du jeu vidéo a déjà eu le temps de se mettre en place et les auteurs qui percent sont tous "sous contrat" avec un éditeur. De nos jours, ça semble extraordinaire: n'importe quel quidam peut faire du logiciel libre et le publier et rencontrer un succès certain (pas forcément du fric à la clef). Désormais, la diffusion des logiciels se fait principalement via l'effort communautaire et pas par des éditeurs. À noter que tout ceci n'est que de mon petit point de vue: j'utilise quasi exclusivement des logiciels libres donc pour moi, les éditeurs sont des gens peu connus. Toutefois, le simple fait que ça existe comme ça prouve à quel point c'est possible et à quel point la diffusion se fait potentiellement en dehors des éditeurs.

Donc, je disais, l'industrie était déjà en place. Quels en étaient les signaux ? D'abord, on peut noter qu'il y avait déjà de nombreux salons professionnels: le CES de Las-Vegas, Imagina, des trucs en Angleterre ou en France, etc… C'est déjà la marque qu'il y a des gens qui désirent faire des shows ou mettre en place une structure de promotion et d'échange d'information. C'est aussi le signe qu'il y a de l'argent dans la balance car, faire un salon n'est pas gratuit. De plus, j'ai pu remarquer que les salons permettaient, comme aujourd'hui, d'alimenter les ragots sur les futures sorties qui vont cartonner avec des previews et des prototypes. De quoi appâter le chaland !

En termes de représentation, un signe qui ne trompe pas: dans les émissions de MicroKids, les directeurs de la communication des éditeurs et constructeurs étaient déjà des vieux ringards sortis des écoles de commerces ou d'ingénieurs… on est loin des jeunes passionnés qui se lancent dans la création de jeux vidéos et on est déjà tombés dans l'escarcelle des pro qui ont déjà pris les rennes de ces entreprises de l'époque.

Début 90, on peut encore noter des jeux qui cartonnent et qui sont lancés par une équipe très réduite de développeurs. Par exemple, Another World) d'Eric Chahi fait un malheur sur de nombreuses plateformes. Même s'il est édité par Delphine Software, la réalisation des graphismes, des sons, des animations et du moteur de jeux est le fruit d'un petit groupe de personnes (sans doute un seul en fait). Même topo pour Prince of Persia de Jordan Mechner. Toutefois, rapidement, les équipes se spécialisent: certains bossent sur le moteur de jeu, d'autres sont spécialisés dans les graphismes, d'autres sont de purs musiciens initiés à l'informatique pour la partie sonore… bref, ça se professionnalise à tour de bras et on industrialise le processus de création du jeu. Par exemple, Dune) de Cryo était un monstre pour la partie graphisme et c'était bien dû à la séparation des équipes de développement mais aussi grâce au sens novateur des créateurs.

Même si les amateurs peuvent encore percer, les éditeurs s'imposent largement dans cet univers nouveau. Parmi cette pléthore de boîtes, les Français tirent leur épingle du jeu. Ainsi, les fondateurs de ERE informatique, devenue Exxos puis Cryo sont des Français qui publient dans le monde entier. Déjà, certains groupes font parler d'eux. Parmi eux, on peut citer les Bitmap Brothers qui ont pondu quelques jeux emblématiques de l'époque tels que Speedball, Gods.

Mais d'une manière générale, le monde du jeu vidéo est déjà pourri par le fric: les éditeurs choisissent ou non de sortir un jeu suivant son potentiel de vente. La publicité s'y met et on ne compte déjà plus les goodies pour tel ou tel jeu vidéo. En résumé, c'est déjà un monde bien orienté…

Deuxième élément: rien n'a beaucoup changé !

A l'époque on n'avait pas HADOPI mais on avait déjà DADVSI en concret: les éditeurs utilisaient déjà des procédés pour empêcher la copie… et les crackers savaient déjà les contourner ! Déjà, il y avait un discours des professionnels qui indiquait que le prix du logiciel est bien plus élevé que le prix du média, sous réserve de comprendre qu'une disquette vierge n'est pas chère mais que les frais de dév, de recherche, de toussa, ça coûte plus que le média. Déjà, le même discours anti-copie et protection de la ressource avec l'entretien artificiel de la rareté si cher à nos amis de la musique. Mais bon, à l'époque, on va dire que c'était le début. Depuis, ça fait 15 ans qu'on cherche à protéger ce modèle à grands coups de pompes liberticides dans les textes de loi.

Lors de leur arrivée massive dans la population, les consoles de jeux ont inventé le modèle de développement fermé: Nintendo faisait ses propres jeux et "interdisait" à quiconque de le faire. C'était la même chose pour Sega. De leur côté, les ordinateurs étaient bien plus ouverts: il existait de nombreux éditeurs indépendant des constructeurs. Ce modèle de développement a été quelque peu mis à mal et c'est tant mieux. Empêcher abusivement des gens de coder… non mais, vous vous rendez-compte ! Remarquez, lorsqu'un constructeur prévoit qu'on ne puisse pas installer ce qu'on veut sur sa propre machine, c'est un peu la même censure non ?

Les jeux de l'époque valaient déjà 300-400F soit 45-60€: c'est bizarre mais le prix n'a pas varié malgré l'inflation et pourtant, c'était il y a 20 ans ! Qu'est-ce-qui peut bien expliquer ça ? Je pense que faire un jeu vidéo aujourd'hui mobilise un grand nombre de personnes, plus que dans les années 90. Pourtant, le prix du jeu n'a pas explosé… C'est donc que soit les développeurs sont sous-payés, soit les éditeurs de l'époque s'en foutaient plein les poches, soit ce niveau de prix est le meilleur compromis entre l'effort de développement et ce que les gens sont prêts à payer pour ça !

Toujours au rayon des prix, une machine moyenne de l'époque genre console de jeux coûtait environ 3000-4000 F soit, à la louche, un bon 1000€ de maintenant. Effectivement, les prix ont sans doute baissé. Le prix des PC de l'époque tournait autour de 9000-10000F, à comparer à nos 400€… de ce côté, c'est plutôt positif.

En terme de diversité, c'était déjà l'heure de la repompe. Dès qu'un style de jeu marchait bien, des déclinaisons multiples étaient lancées. Par exemple, Street Fighter 2 a connu de nombreuses "imitations": Mortal Combat et d'autres jeux de baston. Je ne parle pas des Shoot'em Up… parce qu'entre Nemesis, Gradius, Parodius et R-Type, la différence ne saute pas vraiment aux yeux !

Déjà, les gosses étaient intoxiqués avec les jeux vidéos. Dans MicroKids, il y avait de nombreux enfants qui participaient au match pendant l'émission. Ils avaient chacun une voire plusieurs machines et on sentait assez facilement que les parents étaient complètement à l'ouest sur les temps d'utilisation. Pour avoir fait partie de ce groupe d'enfants, avec le recul, je pense que c'est une mauvaise chose. On a beau dire que le jeu vidéo c'est un truc bon pour le cerveau et qu'on y est moins passif qu'à la télé, je perçois que l'addiction vient facilement prendre le dessus et que finalement, elle vient saper le côté positif de la participation active: c'est de la participation par défaut, de la participation parce qu'obligé… Consacrer une très grande partie de son temps à simplement jouer, c'est-à-dire, exécuter un programme prévu pour, est bien loin de l'acte de création si difficile et si exigeant pour le codeur. À mon avis, seul ce dernier est réellement participatif et libère l'être humain de ses addictions passives qui finissent par le ronger.

Vers 1994, on voit apparaître les premiers jeux en 3D calculée en temps réel. 1994, ça fait 16 ans tout de même ! Certes à l'époque, la qualité était vraiment pas terrible: on avait surtout des objets cubiques avec une simple texture dessus, mais on peut dire qu'une grosse partie du travail était déjà réalisé (merci SGI). Depuis cette date, la 3D semble avoir pris le pas sur le pixel art… mais est-ce-vraiment essentiel ? On peut très bien faire un jeu de daube en 3D, là n'est pas le problème.

Toujours à cette date, il y avait déjà des machines en 64bits ! La Jaguar d'Atari était du mouvement… sauf qu'en fait, seuls certains coprocesseurs étaient 64bits. N'oublions pas le contexte de l'époque: plus t'as de bits, mieux c'est ! Enfin, ça me rassure de voir que 16 ans plus tard, Flash ne tourne toujours pas (bien) sur une plateforme 64bits…

Sur le registre du commerce, Micromania faisait déjà de la pub. Je pense qu'ils finançaient indirectement l'émission MicroKids avec leurs bandeaux de pub placés au début et à la fin de l'épisode. Aujourd'hui, ils ont carrément plein de magasins avec pléthore de jeux vidéos: c'est devenu un peu l'usine… Mais comme j'utilise des logiciels libres, je m'en fous un peu en fait!

Troisième truc: Internet et les standards n'existaient pas… encore !

Tout cela abouti à la production massive de jeux vidéos divers et variés sur un groupe important de plateformes différentes. Hé oui, à l'époque, un jeu qui marchait bien se devait d'être porté sur les plateformes suivantes: Amstrad CPC, MSX, PC, Atari ST, Amiga, Nintendo NES, Sega Mastersystem, Game Boy, Game Gear, Lynx, Apple, etc.). Par comparaison, les plateformes "populaires" d'aujourd'hui sont les suivantes: GNU/Linux, MS Windows, Apple MacOsX, Nintendo Wii, Sony Playstation 3 et MS XBox 360. Quelle uniformité ! D'autant plus que ces machines ont souvent des points communs importants (familles de CPU). D'ailleurs, on peut presque dire que la différence de plateformes ne tient plus vraiment au matériel: MS Windows tourne sur des machines Apple et surtout, GNU/Linux tourne sur quasi-toute machine, de la même manière.

Dans toute cette tambouille de l'époque, on peut noter de francs échecs qui ont contribué à la réduction du nombre de plateformes:

Combien de travaux, d'essais, de tentatives, de larmes, d'efforts sacrifiés sur l'autel de la concurrence ? C'est dommage car l'industrie du jeu vidéo s'est construite non pas sur une standardisation à la mode W3C mais bien sur la simple mise en concurrence pure et dure qui se solde par l'arrêt brutal de l'activité. Par exemple, je me souviens que l'Amiga de Commodore était une machine super répandue et quasi adulée par ses utilisateurs (je n'en ai jamais possédé un et d'ailleurs, je trouvais qu'en dehors des ShootemUp ou des plateformes, les jeux étaient tous les mêmes). Et pourtant, en quelques années, Commodore a plié boutique ! C'est dommage, ils avaient eu de bonnes idées et ont permis une certaine démocratisation de l'informatique. Pourtant, l'apparition de nouvelles machines et de trucs incompatibles ont eu raison de ce succès. Avec le recul, on se dit que c'était du nivellement par le pire !

Toutefois, quelque-chose m'interpelle dans cette profusion de plateformes: on est en train de refaire la même chose avec les téléphones portables. Hé oui, il y a pléthore de plateformes différentes: iPhone, Symbian, Maemo/Meego, Android, WebOs, OpenMoko, BlackBerry, Windows Mobile… Tout ça, sur du matériel très variable d'un téléphone à l'autre. Mon petit doigt me dit que l'évolution se fera comme dans les années 90: par des arrêts brutaux et la domination de quelques plateformes.

Conclusion

C'était une ère finalement assez proche de celle qu'on connaît. Les jeux de l'époque tournaient sur du matériel un peu complexe à manier et les développeurs devaient être avant tout talentueux pour faire tourner des logiciels qui pompaient beaucoup sur les ressources systèmes. De nos jours, le poids des graphismes et de la musique écrase un peu la dimension du code. Il suffit pour s'en rendre compte de voir le nombre de moteurs de jeux qui existent, qui sont libres ou libérés mais dont les graphismes et la musiques sont fermés. Je pense que les éditeurs misent sur ces ressources et non plus sur le moteur… Ce qui explique pourquoi on a finalement assez peu de jeux libres.

Pas de logiciel libre du tout à l'époque. Normal, on était au début du mouvement lancé par Linus Torvalds et Linux même si la FSF avait initié le projet GNU depuis 1984. C'est ce qui m'a le plus manqué finalement: avec le logiciel libre, je pense que de nombreux "amateurs" se seraient lancé à faire des jeux vidéos et on ne serait pas tombé dans l'industrie d'aujourd'hui (enfin disons qu'elle ne serait sans doute pas pareil que maintenant).

Néanmoins, tout n'était pas aussi noir que ça et il existait déjà les germes de ce qui allait devenir le logiciel libre plus tard. Dans ce monde déjà sclérosé par le fric et la rentabilité, un élément notoirement différent sortait son épingle du jeu. Un élément fait par des codeurs "amateurs", diffusé au plus grand nombre de manière gratuite et dont le rapport à l'argent est complètement nul… Cet élément, c'est celui de la scène des demomakers. Hé oui, les démos c'était le bon temps. Ce genre de réalisation est carrément de l'art numérique. Pensez donc, de la musique bien rythmée, des graphismes qui font ce que vous voulez avec du code hyper optimisé, le tout dans des tailles hyper compactées, si ce n'est pas de l'art, je ne sais pas ce que c'est. Et sur ce plan, la liberté est grande: les démomakers sont des gens comme vous et moi: aucun éditeur ne publie leur job et ce qui compte est la diffusion au plus grand nombre.

Pour terminer, je tiens aussi à rappeler l'existence des fanzines. Ces petits journaux faits à la main avec une diffusion restreinte était le cœur d'expression libre de gens de l'époque autour d'un sujet commun. Les fanzines sur les jeux vidéos me rappellent aujourd'hui à quel point ils sont proches des blogs des individus d'aujourd'hui, preuve de ce besoin d'expression qui nous apporte tant !

Mince, dans le feu de l'action, j'ai oublié un élément essentiel: la liste des jeux de ma jeunesse: