Intégrale musicale de mars 2017🔗

Posted by Médéric Ribreux 🗓 In blog/ Vie-courante/

#music

Introduction

Dans mes résolutions de 2017, il y a marqué "Écouter l'intégralité d'un artiste musical par mois"… Pour mars ce sera Sigur Rós !

Ce groupe "post-rock" islandais est véritablement atypique dans le paysage musical actuel. C'est un des rares groupes encore en activité que je peux écouter sur la durée sans me lasser aucunement.

Ma première rencontre avec le groupe date de 2008 au Main Square Festival d'Arras où ils faisaient la première partie d'un autre groupe de rock bien connu nommé "Radiohead". Lors de leur arrivée sur scène, j'avais été assez surpris par la ferveur des "fidèles". Ils avaient l'air assez engagés autour de nous et c'était assez surprenant pour le néophyte que j'étais. Certains spectateurs étaient clairement venus pour Sigur Ros et non pour Radiohead, autrement plus connu à l'époque (et encore aujourd'hui d'ailleurs).

Ensuite, lorsque le groupe a commencé à jouer, j'ai clairement compris pourquoi cet enthousiasme: tout était atypique ! D'abord, les types étaient sapés comme des papes. On aurait dit des elfes, élégants, avec un uniforme d'apparat militaire, en longueur, avec des plumes d'indiens et des broches lumineuses. Déroutant mais très élégant, très stylé, à part, comme un cran au-dessus de la mêlée.

Dès les premières notes, Jonsi, le chanteur, a sorti son archet et a commencé à faire vibrer les cordes de sa gratte avec. Je n'avais jamais vu ça avant et j'ai trouvé le son produit vraiment innovant. Dès lors mon intérêt était franchement motivé et le reste de la qualité musicale de leur production a suffi à m'emporter définitivement: j'étais pris dans les mailles du filet du groupe, pour sans doute, ne jamais en sortir; dans tous les cas, en étant transformé pour longtemps.

Voilà mon premier contact avec Sigur Ros, une véritable expérience de vie… Néanmoins, pendant de nombreuses, années, je me suis contenté d'un seul de leur album (Ágætis byrjun). En ce mois de mars, j'ai réparé cette erreur en prenant le temps d'écouter l'intégralité de leur œuvre. Voici mes sentiments sur le sujet avec une revue complète de leur production, par ordre chronologique…

Von (1997)

Clairement, le premier album de Sigur Ros aurait sans doute pu faire que je n'accroche jamais au groupe. Concrètement, rien ne m'attire dedans, c'est trop brut, trop mécanique, trop lourd. Ça fait très musique d'ascenseur, électronique pure, par effets de bruits plutôt que par mélodie.

J'ai eu beau forcer son écoute pendant quelques jours, je n'ai jamais pu m'en satisfaire. Heureusement, j'ai découvert le groupe sur leur second album.

"Ágætis byrjun" (1999)

Voilà le premier album de Sigur Ros que vous pouvez écouter sans trop de danger ! La vraie naissance du groupe se situe sur cet album. On y trouve tout ce qui fait la marque du groupe depuis près de 20 ans maintenant:

Une bonne musique d'autiste en somme ! Elle peut très bien s'adapter aux passages "grandioses" d'un documentaire sur un paysage extraordinaire. On a l'impression que la force de la Nature, si présente en Islande irrigue l'œuvre de Sigur Ros.

Bon, j'ai tellement écouté l'album qu'il est usé à la corde. Il n'y a pratiquement que des hits dessus. Si je devais sortir les trois pistes principales, je retiendrais les suivantes:

"Untitled" aka "()" (2002)

Toujours dans le non-conformisme, un album sans titre sort en 2002. S'il est toujours dans la mouvance de l'album précédent, dans les grandes lignes, il apporte néanmoins une touche de nouveautés.

Concrètement, avec "()" Sigur Ros marque un peu plus son style tout en le confirmant. C'est un album quasi excellent et si "Ágætis byrjun" est un bon début, "()" est un poil devant: une continuité mais supérieure.

La piste d'introduction (la n°1 vu qu'elle n'a pas de titre non plus) est vraiment excellente. C'est, selon moi, la meilleure de l'album. Mélangeant une mélodie rythmée par un piano brut, elle s'adresse en douceur aux auditeurs en distillant des notes d'espoir, de mélancolie, comme souvent avec Sigur Ros. Elle se termine par une explosion mesurée d'un chant qui monte dans les aigus, comme pour rejoindre les cieux. Très bon !

La piste n°2 (c'est son titre) repose sur plus de douceur et plus de tristesse encore. Elle vient tout simplement à une place d'intérêt. D'une manière générale, il est bon d'écouter un album de Sigur Ros dans l'ordre des pistes. Je trouve que l'ensemble forme un mélange assez équilibré et qui a un sens véritable.

La piste n°3 s'adresse plus à un parcours physique dans la nature. On y retrouve le piano brut ininterrompu. Toute la piste n'est qu'un crescendo où le volume semble suivre une progression à un seul facteur. Une bonne expérimentation.

La piste n°4 reprend moins les codes de la mélancolie pour se tourner vers davantage de rythme, plus profond, plus grave; des airs plus "pop" même si la petite voix sur-aigüe électronique vient jouer par fois les troubles fêtes.

On passe ensuite à la piste n°6 qui reste une des meilleures pistes de l'album. Elle reprend les codes de la piste n°4 mais dans un mode encore plus désespéré. L'ensemble est vraiment accrocheur.

Les autres pistes de l'album ne sont pas mauvaises du tout même si je les qualifie d'un cran en dessous des autres.

Dans l'ensemble, "()" est un très bon album de Sigur Ros; bien équilibré, avec pratiquement uniquement des hits.

"Takk…" (2005)

On pourrait se dire qu'avec l'album précédent, Sigur Ros allait avoir du mal à faire mieux et bien, en fait, ce n'est pas le cas. "Takk…" est sans doute le meilleur album du groupe, du moins, si j'en crois les notes que j'ai attribuées aux pistes. Seule la piste n°1 qui est une pure introduction, courte et uniquement destinée à mettre en piste l'album est trop neutre pour accrocher. Pour le reste, rien à redire, on est proche de la perfection.

Dans cet album, Sigur Ros améliore encore son art et ses mélodies continuent vers une progression incontestable.

La piste n°2, intitulée "Glósóli" ouvre magistralement l'album. Elle semble chantée par des elfes (qui accompagnent Jonsi bien sûr). La sonorité est riche avec de nombreux instruments assez variés dont la fameuse guitare à archet. Elle suit une progression crescendo, sans trop rentrer dans la mélancolie.

La piste n°3 est la meilleure de la production actuelle de Sigur Ros, à mon sens. "Hoppípolla" est tout simplement parfaite. On a du rythme, une mélodie de piano brut, du son composite, de la joie, de l'action, de la douceur. Tout est admirablement bien orchestré, chaleureux, reposant, agréable et dépaysant. Cette musique exprime tout simplement ce qu'est la joie de vivre.

La piste n°4, intitulée "Með blóðnasir" est simplement la suite de la précédente, un peu en négatif de "Hoppípolla"; il est donc, selon mon avis, plus difficile de l'écouter directement. Elle reste néanmoins très bonne.

"Sæglópur", la piste n°6 est la deuxième meilleure piste de l'album. Elle est plus dans les sonorités graves, comme inquiétantes et elle est plus rythmée par les percussions que les autres pistes.

La piste suivante, "Mílanó", reprend plus les codes de la mélancolie et de la joie de vivre, avec plus de douceur et d'onctuosité que "Sæglópur". C'est la troisième meilleure piste de l'album et je vous la recommande chaudement. Le final y est vraiment la description de ce qu'on peut appeler une apothéose.

Voilà ce que je retiendrai de cet album: de l'excellence.

"Með suð í eyrum við spilum endalaust" (2008)

J'ai eu un peu plus de mal avec cet album. Ici, Sigur Ros fait moins dans le tragique, moins dans la mélancolie et met davantage l'accent sur la convivialité, la joie simple, l'action; avec un rythme plus marqué qu'auparavant. Du coup, le style s'en trouve modifié.

"Með suð í eyrum við spilum endalaust" s'en trouve donc un peu moins accessible: il faut l'écouter plusieurs fois pour que la mélodie finisse par accrocher convenablement l'esprit.

Le premier morceau (Gobbledigook) est typiquement une introduction vive et rythmée du reste de l'album… C'était la piste d'introduction du Main Square Festival d'ailleurs ! …Qui se poursuit avec "Inní mér syngur vitleysingur", une des meilleures pistes de l'album, bien rythmée mais assez mélodique et entraînante.

Pour le reste, je relève "Við spilum endalaust", qui reprend plus les "cannons" de Sigur Ros: mélodie variée mais calme, qui respire la joie de vivre; le tout ponctué d'un rythme plus marqué que sur les précédents albums.

La piste suivante, intitulée "Festival" est probablement la meilleure de l'album. Elle aurait pu être située sur "Takk…" et elle constitue sans doute la piste la plus Sigur Rossienne de cette composition. On y retrouve les ingrédients spécifiques du style du groupe. D'abord, la piste est la plus longue de l'album, près de 10 minutes. Elle est introduite par un morceau si solennel qu'il aurait pu être composé pour une cérémonie d'enterrement (mais elle reste d'une beauté époustouflante). Pendant près de 4 minutes, Jonsi clame tout en aigus une forme de mélancolie empreinte de douceur et d'un respect profond. Mais à la fin de cette douce introduction retentissent la batterie et la basse dans un rythme appuyé: on reste dans le style de l'album quand bien même. Mais cette fois, le rythme reste au service du solennel, car la musique du début se poursuit tout en récupérant une sonorité qui va crescendo, comme la majorité des productions de Sigur Ros. Comme une ouverture vers l'au-delà, la fin du morceau se transforme en une explosion de sonorité quasi-divine. Une excellente interprétation du passage vers la mort.

Évidemment, après un tel morceau, difficile de faire mieux. Les autres pistes restent néanmoins intéressantes, car elles sont moins marquées par le nouveau concept de l'album. J'en garde trois:

Au final l'album reste quand même très bon. Il cherche à innover sans dénaturer le style du groupe et je trouve qu'il s'en sort vraiment très bien. C'est juste qu'il faut s'accorder plus de temps pour en profiter vraiment.

Valtari (2012)

Quand j'écoute Valtari, j'ai l'impression de me retrouver dans les Shetlands, comme en 2011. La musique est à la hauteur du paysage: gris avec le ciel de pluie, vert avec l'herbe à proximité de la côte, brun avec la bruyère des tourbières, bleu-blanc avec la mer et ses vagues.

Et comme sur la pochette de l'album, au milieu de la houle, le bateau de Valtari apparaît au loin à l'horizon, au-dessus de l'horizon, en lévitation à 5 mètres du sol…

C'est donc un très bon album malgré le fait qu'il soit le dernier composé avec Sven Keirnson, un membre du groupe qui a décidé de quitter ce dernier à l'issue de la sortie du disque. Selon moi, il est pratiquement au niveau de "Takk…" et reste très accessible aux habitués des premiers albums.

Je trouve qu'il est plus solennel, quasi religieux sur certains morceaux. On replonge dans les fondements de Sigur Ros. Ici, les morceaux sont tous très longs, très marqués.

L'introduction est vraiment très bonne: "Ég Anda". Le meilleur moyen de l'écouter est sans doute d'aller dans les Shetlands, de se lever de (très) bonne heure en été, de croiser les doigts pour avoir du beau temps et se mettre face au lever du soleil. Quand j'écoute cette piste, j'ai l'impression d'y être pour de bon.

D'une manière générale, l'album reste plus doux que "Með suð í eyrum við spilum endalaust" et c'est repérable directement dans la seconde piste (un très bon morceau lui aussi). "Ekki Múkk" est une invitation à la tendresse, une bonne musique de chats avec des relents autistes.

La piste qui suit est proche de l'excellence. Elle est aussi religieuse que "Festival" de l'album précédente et elle lui ressemble fortement. "Varúð" commence tout en douceur, tout en cantique pour se terminer sur un rythme marqué, saturé par l'archet de la guitare de Jonsi avec les voix enfantines des cœurs qui montent vers le ciel. Un excellent morceau pour aller courir dans la montagne, à la faveur de la découverte d'une paroi abrupte qui fait face au randonneur.

Pour rester dans le même registre, la piste n°5 "Dauðalogn" est de la même nature. Des moines irlandais pourraient l'entonner lors d'une messe coincée entre plage de sable blanc et falaises de granit, face à l'océan atlantique. Quelle cérémonie, quelle transcendance, quel génie ! Et encore, je ne vous parle pas de la fin du morceau qui part comme un cantique de choeurs à voix nues. C'est la meilleure piste de l'album, sans discussion possible…

La dernière piste que j'ai relevé sur l'album s'intitule "Varðeldur" et c'est une des musiques les plus tristes et les plus mélancoliques de Sigur Ros. Elle s'inscrit bien dans le registre de l'album. Elle colle bien avec un début de journée pluvieuse, dans l'aube grisée.

Les deux autres pistes sont très bien aussi, quoiqu'un poil plus "autiste" avec des sons plus tranchés et plus en répétition. J'aime moins, mais je l'écoute quand même avec intérêt.

L'album est franchement une réussite. Il reste sans doute plus doux, plus triste, plus transcendant. On peut facilement l'écouter dans n'importe quelle situation et découvrir alors des scènes d'anthologie, dignes des meilleurs films. Couplé à un paysage marin, c'est sans doute le meilleur moyen de découvrir et d'apprécier "Valtari".

D'ailleurs, Valtari a servi à une expérience cinématographique. Sigur Ros a demandé à un bataillon de cinéastes de réaliser des courts-métrages avec comme musique de fond les pistes de Valtari. Vous pouvez retrouver certaines de ces compositions sur Internet et je vous invite à les découvrir, car elles permettent de donner une illustration possible du monde offert par Sigur Ros, au-delà de la musique.

Kveikur (2013)

Kveikur est à peu près dans la même lignée que "Með suð í eyrum við spilum endalaust"; rythmé, plus rentre-dedans, mais avec un zeste de douceur supplémentaire. Je le trouve bien plus accessible que l'album de 2008 d'ailleurs.

Dès la piste n°1, le ton est donné: avec "Brennisteinn", on a l'impression de se retrouver au cœur d'une tempête en pleine mer, en plein cœur de la tourmente. La mélodie est donc bien rythmée, un poil solennelle et pleine d'action.

La piste n°2 poursuit ce nouveau rythme, ces nouvelles sonorités avec plus de triangles et de percussions. Jonsi a également une voix plus posée, plus grave.

La piste qui suit, "Isjaki" donne tellement la pêche qu'elle fait partie des morceaux de musique que j'écoute pour m'échauffer lors de mes entraînements de course à pied. Il y a suffisamment de rythme et d'effet d'émulation qui en ressort.

"Stormur" est la meilleure piste de l'album. Elle démarre assez lentement, sans un niveau sonore trop intense. Puis elle enchaîne par un rythme appuyé avec une mélodie bien appuyée par quelques cœurs lors des refrains. Bon rythme, bonne musique, bon tempo. Une bonne recette.

Le titre éponyme de l'album "Kveikur" est également très bon, quoiqu'un poil plus en dessous des autres pistes sus-mentionnées.

Le dernier morceau que je relève est la piste n°8 intitulée "Bláprádur". Elle s'approche de "Stormur" tout en possédant sa propre mélodie. Mais les recettes sont proches.

Dans l'ensemble, l'album Kveikur tient ses promesses: du rythme mais en composition avec tout ce qui fait la personnalité du groupe Sigur Ros. Une évolution toujours en douceur qui passe bien.

Les 10 meilleures pistes de Sigur Ros

En guise de fin, voici ce que j'estime être les dix meilleures pistes des productions du groupe Sigur Ros:

  1. "Hoppípolla", piste 3 de l'album "Takk…".
  2. "Untitled (Vaka)", piste 1 de l'album "()".
  3. "Svefn-g-englar", piste 2 de l'album "Ágætis byrjun".
  4. "Viðrar Vel Til Loftárása", piste 7 de l'album "Ágætis byrjun".
  5. "Stormur", piste 5 de l'album "Kveikur".
  6. "Glósóli", piste 2 de l'album "Takk…".
  7. "Sæglópur", piste 6 de l'album "Takk…".
  8. "Dauðalogn", piste 5 de l'album "Valtari".
  9. "Olsen Olsen", piste 8 de l'album "Ágætis byrjun".
  10. "Festival", piste 5 de l'album "Með suð í eyrum við spilum endalaust".

Conclusions

J'aime Sigur Ros, ils n'ont pas vraiment changé avec le temps. Leur production est toujours d'une grande qualité et leur style ne prend pas une seule ride. Comme je l'ai dit en introduction, c'est un des rares groupes actuels que je peux écouter régulièrement.

J'ai passé un mois vraiment agréable à les écouter. Le nombre d'albums n'est pas si important et soutient tout à fait la prise de temps nécessaire à la découverte. Je leur souhaite une longue vie…