Dry January: Le mois sans alcool!🔗
Posted by Médéric Ribreux 🗓 In blog/ Vie-courante/
À partir du lundi 06/01/2020, je fais le mois sans alcool. C'est dit !
L'objectif semble assez simple de prime-abord: ne pas boire une seule goutte d'alcool pendant un mois. Ça semble à la portée de tous… … Mais je vous invite à vous méfier car, croyez-le ou non, ce n'est pas si facile que ça.
Je me suis déjà lancé plusieurs fois dans cette pratique par le passé et j'ai déjà remarqué que l'abstinence alcoolique, c'est-à-dire boire zéro goutte d'alcool pendant une période donnée, ce n'est pas de tout repos.
Car, en France, vous allez être souvent sollicité pour "boire un coup":
- au bureau avec vos collègues (genre les voeux ou lagalette).
- à la maison en voulant finir les stocks du réveillon.
- chez des amis que vous allez voir le soir ou le week-end et qui vont vous proposer de continuer sur l'ambiance de la fête.
- en allant travailler en regardant les panneaux de pub qui vont vous inciter à acheter des produits alcooliques.
- dans les magasins qui doivent écouler leurs invendus des fêtes et qui sauront vous allécher avec moult promotions.
En conséquence, vous allez souvent devoir dire non et vous verrez que ce n'est pas si facile.
Mais alors, me direz-vous pourquoi faire le mois sans alcool ?
Simplement pour voir si vous en êtes capable ! Comme je l'ai dit, ce n'est pas si simple que ça. Si vous pensez que ce sera sans aucun problème, je vous invite à essayer, vous n'allez pas perdre grand- chose. Si vous aussi vous êtes un adepte de la "convivialité" alcoolique, vous devriez donc être capable de vous en passer assez facilement pendant un petit mois (4 semaines, ce n'est rien) et voir ce que ça vous fait, quitte à conclure que ce n'est pas pour vous qui n'avez pas de problème avec l'alcool.
Mais dans l'ensemble, le dry january alias le mois sans alcool est plutôt orienté pour les personnes qui n'ont pas encore réalisé qu'elles étaient alcoolo-dépendantes. Car, contrairement à ce qu'on pourrait penser, ça va assez vite. Le cas le plus typique étant sans doute le type adepte du bon verre de pinard de temps en temps, sauf que le temps en temps a tendance à être tous les jours et, qu'invariablement, avec le temps qui passe, le cerveau finit par réclamer sa petite dose d'ivresse. À ce stade, vous êtes sur le fil du rasoir et vous pouvez chuter assez rapidement et ce, malgré votre bonne volonté ou votre mental soi-disant en acier, vers une alcoolo-dépendance forte, celle qui a des répercussions graves sur votre santé et sur vos interactions sociales.
Car n'oubliez pas que l'alcool est un produit psychotrope qui, par définition, altère vos capacités cognitives et ce, même à faible dose. C'est d'ailleurs ce qu'on retrouve dans la "convivialité" alcoolique: le cerveau est un peu ramolli, ce qui lève partiellement le contrôle sur les inhibiteurs sociaux et donne l'impression que la pression sociale se relâche un peu. Quand c'est fait de manière ponctuelle, ça ne pose généralement pas trop de problème, c'est quand ça se répète souvent que les ennuis peuvent survenir.
D'une manière générale, en ce qui me concerne, j'ai renoncé depuis longtemps à boire la moindre goutte d'alcool quand je travaille, quand je suis au bureau. Ça ne m'empêche pas d'être convivial avec mes collègues, mais je me suis rendu compte que, à faibles doses, l'alcool a tendance à ralentir mes fonctions cognitives, à me faire faire des erreurs, à m'endormir. Il m'est alors assez difficile de me concentrer et de rester efficace. Mon travail étant consacré à 50% à des tâches qui impliquent de mobiliser mon intellect et 50% à gérer du relationnel humain, je ne peux pas vraiment me permettre de débrancher mon cerveau pendant plusieurs heures. Si j'avais un travail plus physique, plus isolé, je n'aurais sans doute pas la même approche (quoique ?).
Comme en plus, je me cogne trois heures de déplacement domicile-travail par jour, ce n'est pas pour végéter au bureau en attendant que mon corps métabolise l'alcool pour que je puisse enfin être efficace, autant rester à la maison pour ça !
L'autre intérêt du dry january s'adresse aux personnes à forte dépendance alcoolique. Le mois sans alcool constitue alors un exemple, un évènement de référence qui leur montre qu'ils ne sont pas seuls dans leur lutte personnelle contre leur maladie; que même les gens soi- disant normaux peuvent aussi être concernés par ces problèmes, qu'ils ne sont plus tout à fait seuls, mis à l'écart de la société avec leur encombrant problème d'alcool. Je pense que Dry January apporte sans doute une aide morale aux alcoolo-dépendants en leur montrant que des actions sont entreprises pour prendre cette dépendance à bras le corps et que le combat qu'ils mènent peut être gagné.
Car, de mon point de vue, la lutte contre l'addiction alcoolique est très déstabilisée par le lobby des alcooliers qui ont finalement beaucoup de pouvoir. Déjà, si vous faites attention un peu autour de vous, vous verrez souvent de la pub pour du pinard ou des alcools forts un peu partout dans l'espace public et je ne parle même pas de la presse et des magazines. Et pourtant, il y a eu la loi Evin . Apparemment, avec le temps elle a pris un peu d'usure…
Pour autant, j'estime que cet affichage, cette propagande positive sur l'alcool, car il faut bien appeler un chat un chat, a un impact réel sur les personnes alcoolo-dépendantes et que pour protéger ces dernières ont devrait être beaucoup plus stricts. Pour les gens sans addiction, pourquoi pas, ils peuvent gérer. Mais quand tu es alcoolo- dépendant, je te garantis que ces publicités sont de véritables vecteurs de rechute. En effet, il suffit que ta journée soit pas terrible pour que ces nombreuses incitations à boire te mette la puce à l'oreille suivante: "Ok, aujourd'hui, je fais une exception, car c'est vraiment pourri ce qui m'arrive et tellement d'annonces me donnent le signal que ça va aller mieux en passant un moment convivial en buvant un coup… que je le fais !". Pour ma part, très régulièrement, il m'est arrivé de me voir imposer trois panneaux publicitaires les uns à la suite des autres qui vantent les mérites de tel ou tel Whisky irlandais, de tel ou tel alcool fort ou de vin. Si j'arrive à le remarquer, quelqu'un qui a un problème de dépendance sera forcément beaucoup plus impacté.
C'est un peu comme si les gens qui sont en proie à une addiction aux opiacés devaient se taper 4 ou 5 panneaux de pub pour de la Codéïne en allant travailler. La replonge me semble inéluctable dans ces conditions. Ces personnes ont besoin d'aide, pas qu'on les enfonce en les incitant à prendre un truc qu'ils ne savent pas gérer (le terme gérer n'est sans doute pas approprié: on ne gère pas une maladie, on fait avec), juste, soi-disant pour préserver un éventuel aspect "convivialité" du produit.
Je crois que c'est surtout pour ça qu'on devrait être plus strict sur la publicité, essentiellement pour protéger les personnes dépendantes de ces substances qui ont vraiment besoin qu'on les soutienne et qu'on leur facilite la vie sans les aguicher régulièrement. Ils ont déjà un combat assez lourd à gérer comme ça. Des gens qui se déclarent "conviviaux" devraient pouvoir comprendre ça sans trop de difficulté, s'ils sont assez conviviaux pour accueillir avec bienveillance les besoins différents et plus exigeants des personnes qui souffrent de la maladie de l'alcoolo-dépendance.
Par ailleurs, je crois que le combat est inégal, car il ne faut pas oublier que de nombreuses personnes ont un emploi qui vise à valoriser les produits alcooliques. On a donc des gens payés pour bosser huit heures par jour pour inciter d'autres personnes à boire. Ces gens sont payés par la taxe de publicité. La publicité est payée par tous les clients qui achètent le produit, elle s'apparente donc à une espèce de taxe pour l'intérêt privé. Alors qu'en face, les associations rament pour trouver des sous ou ne vivent que de dons et de subventions dont les sources sont par définition précaires.
Me viens une idée que certains trouveront forcément stupide: pour ré-équilibrer les forces entre ceux qui veulent aider les alcoolos dépendants et ceux qui veulent récupérer leur argent: mettre une taxe sur la publicité alcoolique et la redistribuer aux organismes de lutte contre l'alcoolo-dépendance ou l'hôpital public dans ce domaine. Ah merde, ça avait déjà été proposé en dès 1991 dans la loi Evin… mais retoqué par le conseil constitutionnel, sans doute sur la forme plutôt que le fond (enfin j'espère qu'on a une constitution qui nous permet de gérer l'équilibre des forces, sinon, on est foutu).
Dans mes voyages au Royaume-Uni et en Irlande, j'ai vite compris que, malgré leurs très nombreux problèmes sociaux non gérés (va voir la tronche du NHS par exemple), les citoyens britanniques et irlandais s'étaient mobilisés pour endiguer les problèmes d'addiction alcoologique. Le premier truc qui frappe tout le monde, c'est le prix de la moindre bouteille d'alcool fort ou même du vin. Compter à peu près deux fois plus cher qu'en France. Dans un pays avec une tradition néo-libérale de 40 années qui lutte avec beaucoup de ferveur contre les taxes, c'est assez surprenant, non ?
À mon sens, ça va plutôt dans la bonne direction car ça éloigne le public à problème avec la sanction monétaire qui, même si elle n'est pas une solution absolue, a le mérite de limiter l'achat impulsif, simplement par la limitation du pouvoir d'achat (qui ne fait pas tout mais un peu).
Bien sûr le marché s'adapte: les bouteilles de 37.5Cl sont très courantes au Royaume-Uni, celles de 70Cl beaucoup moins. La taxe réduit le risque d'alcoolisation forte (si tu cherches l'ivresse, ça va te coûter cher) et permet quand même l'effet convivialité (l'alcool n'est pas prohibé mais comme il coûte cher, on a tendance à le consommer plus facilement avec modération).
Même le fameux pub irlandais et la Guinness qu'on y sert ont suivi la tendance. En Irlande, la bière Guinness est moins alcoolisée que le moindre cidre français (et irlandais aussi). Ça permet sans doute de rester plus facilement du côté "convivial" de la chose.
Pour terminer sur cette soi-disant histoire de "convivialité" alcoolique, je dirais que c'est un terme assez hypocrite, pour le coup. En effet, qui est le plus convivial ? Le type qui souhaite absolument garder les esprits clairs quand il entre en communication avec les autres, afin de maximiser la relation, le discours et le langage corporel où bien la personne qui a besoin d'une petite dose d'alcool pour ramollir son cerveau et lever les barrières sociales de son appréhension à communiquer avec autrui ? Je vous laisse trouver la bonne réponse…
Dans tous les cas, je vous invite à faire l'expérience du mois sans alcool en France, avec ou sans (en fait ce sera sans) le soutien de Santé Publique France:
- Ça ne peut pas vous faire de mal.
- Ça vous fera une expérience de contrôle de soi, à raconter aux autres.
- Si vous réussissez le défi, vous pourrez être fier de vous, car il n'est pas si simple.
- Ça vous fera faire des économies.
- Si vous en bavez ou que vous ne réussissez pas, ça peut vous mettre la puce à l'oreille sur un problème que vous n'avez pas identifié auparavant.
Rendez-vous dans un mois pour la conclusion…