Revue littéraire d'octobre 2017🔗

Posted by Médéric Ribreux 🗓 In blog/ Vie-courante/

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Introduction

Comme au mois de septembre, je continue mon périple littéraire et pour le mois d'octobre, je me suis rabattu sur un peu de lecture, certes américaine, mais bien de pure littérature avec "The Catcher in the Rye" de Jerome David Salinger, publié en 1951, plus connu sous le nom de l'Attrape-cœur en France.

L'histoire

Difficile d'aborder l'histoire de manière frontale. Un résumé vous paraîtrait sans doute fade. Mais il faut bien s'y coller.

Pour faire simple, c'est l'histoire d'un adolescent de 17 ans, nommé Holden Caulfield, interné dans un hôpital psychiatrique de l'époque (donc, une institution pas forcément extra-ordinaire, notamment sur le plan des progrès de la psychiatrie moderne) qui raconte les 3 jours de liberté qu'il a pris, un peu avant Noël, après s'être fait virer de son lycée avant de rentrer chez lui et interné, par la suite.

Ces 3 jours de liberté quasi-totale forment un périple assez riche pour tenir un peu en haleine le lecteur. Après avoir quitté le lycée, Caulfield prend le train pour rentrer à New-York, vers la maison familiale. Chemin faisant, au lieu de se rendre chez-lui, il décide de se louer une chambre d'hôtel, de trainer dans des bars, d'aller danser, de boire du whisky (il est mineur donc c'est normalement interdit). Il tente de se taper une prostituée qui finit par l'arnaquer avec son proxénète. Le lendemain, il contacte une de ses ex-petites amies, l'emmène au théâtre puis patiner, mais il finit par s'engueuler avec.

Il va se bourrer la gueule dans un bar et décide, après avoir erré dans le froid et fait le tour du lac de Central Park, de rentrer chez lui voir sa petite soeur Phoebe (qu'il semble adorer), âgée de 10 ans, le tout sans éveiller ses parents (il n'est censé rentrer que deux jours plus tard). Il parvient à la voir, mais elle comprend qu'il s'est fait virer du lycée et l'engueule. Pour se défendre, il lui dit qu'il va se barrer d'ici.

Il appelle un ancien prof pour que ce dernier l'héberge à la dernière minute (toujours pour ne pas annoncer à ses parents qu'il s'est fait virer du lycée), ce qu'il fait. Mais, pendant son sommeil, il se réveille et trouve le fameux prof en question, en train de lui caresser les cheveux alors qu'il dort. Caulfield se barre de chez le prof et va dormir à la gare. Le lendemain, il essaye de contacter sa petite soeur Phoebe à l'école pour lui dire qu'il se barre de la maison des parents et qu'il va essayer de vivre de petits boulots. Sa condition physique semble se détériorer.

Au dernier moment, sa soeur le rejoint avec une valise lui annonçant qu'elle part avec lui. Mais devant ce rebondissement, le jeune adulte en quête d'émancipation, remet les pieds sur terre, reprend peur et ressent le besoin de retourner à une certaine forme de protection du cocon familial: il abandonne ses projets de désertion et décide de rentrer au bercail. Il se surprend à adorer voir sa soeur s'amuser dans un manège…

À propos du livre

Je ne suis pas un littéraire de nature. Le style, les interprétations ne m'intéressent pas vraiment. Je préfère relever ce qui m'a vraiment parlé, ce qui a laissé une empreinte, au-delà d'une analyse consciente. Je pense que c'est plus révélateur qu'une tentative d'explication ou une artificielle interprétation de la volonté d'un auteur qui aurait pu être mon grand-père mais qui avait dans les 30 ans lorsqu'il a rédigé son œuvre. C'était une période trop différente de celle dans laquelle j'ai été élevée et le risque d'erreur est bien trop grand.

Bon, j'ai lu le livre en moins de 6h. Il n'est pas très long mais, ce fut le cas pour moi, il est assez "scotchant": une fois qu'on l'a commencé, on a bien du mal à le lâcher. Le style est vraiment léger ce qui fait qu'on n'a aucune difficulté à le dévorer. Pas besoin de trop réfléchir aux expressions complexes: il n'y en a pas. D'ailleurs ce style est sans doute trompeur. Je suis sûr que si je lis le livre une deuxième fois, je porterais plus d'attention et finirais par prendre plus de temps pour interpréter des éventuels sens cachés.

Tout est écrit à la première personne. Il s'agit d'un monologue de Holden Caulfield qui parle, en continu, pratiquement sans pause, passant d'un sujet à l'autre, en respectant une certaine forme de chronologie. C'est un peu comme si on était dans sa tête, car le narrateur donne toujours une tonne de détails sur ce qu'il pense. J'ai clairement ressenti ça dès le début; j'avais vraiment l'impression que mon cerveau s'était glissé dans la tête du personnage et qu'il lisait comme dans un livre ouvert, dans la pensée de Caulfield. Cela rend d'ailleurs la lecture ultra-facile et très abordable.

Le ton de Caulfield est d'ailleurs particulier: il parle comme un adolescent de son époque et, même si j'ai lu la traduction qui date des années 60, ce vocabulaire spécifique se retrouve bien patiné par rapport à l'argot de maintenant (que je ne maîtrise pas, ayant près de 40 années d'existence maintenant, je ne maîtrise que l'argot des années 90). Mais moi, j'aime bien ces expressions un peu désuètes. Ça donne un certain genre. Avec le recul, ça fait presque nostalgique de parler de môme, de dire à tout de bout de champ: "ça me tue". Cela fait partie de l'âme même du livre, du narrateur, preuve que même si les écrits sont figés dans le temps, ils seront toujours vivants dans nos interprétations. C'est un peu comme si je disais que le contenu d'un fichier était différent selon le disque dur où il était stocké. Voilà donc la différence entre le numérique et le cerveau humain…

Autre élément important, Caulfield a une vision assez négative du monde. À l'écouter, il n'aime rien, il y a toujours un défaut et c'est toujours ce défaut qu'il mentionnera. D'ailleurs Salinger lui fait dire, par l'intermédiaire de sa soeur qu'il n'aime effectivement rien. Caulfield a bien du mal, en dehors de sa soeur et de son frère décédé, à marquer une certaine forme de joie. Mais, dans cette vision critique, il n'y a rien de vraiment noir. La nostalgie est vraiment très légère, la mélancolie présente sous forme de soupçons. Pour le coup, cette négativité quasi-permanente passe plutôt bien, elle fait le style de Caulfield et on finit par s'y attacher: on en vient quasiment à attendre la chute fatale de chaque propos.

Mais, au final j'interprète cette vision négative du monde comme un bon début de dépression; affection qui conduirait Caulfield à rentrer dans une institution psychiatrique. De plus, tout au long de son histoire, sa condition physique semble se détériorer: il devient plus faible, n'a plus faim, a des sueurs froides, etc. Sans doute le manque de sommeil, le froid, l'alcool, une certaine forme de solitude et, ce que je perçois comme étant un vrai début de dépression.

Pourtant, prenons des gants: à l'époque, on pouvait sans doute te foutre à l'hôpital psy pour pas grand-chose, surtout si tu ne respectais pas les règles pré-établies. Donc peut-être que Caulfield, n'a rien de psychotique. Peut-être s'est-il simplement laissé grisé par cette forme de liberté totale dans laquelle, il me semble qu'il ait trouvé une certaine forme d'épanouissement et de plaisir.

À propos de Salinger

Ah, Salinger ! Ce nom m'a toujours sonné aux oreilles et j'ai toujours été intrigué par cet auteur. Aussi, quand j'ai eu la possibilité de mettre la main sur son œuvre principale et surtout trouvé le temps pour le lire, je n'ai pas hésité.

Je ne vais pas vous raconter l'histoire de Salinger, mais j'ai retenu que c'était quelqu'un d'assez discret. Il a eu du succès vers le début de ses 30 ans, donc assez vite et puis, il n'a pas publié grand-chose après. Sa dernière nouvelle date de 1965, il avait 46 ans, loin de l'âge de la retraite donc.

On dit qu'il vivait reclus avec sa petite famille, n'accordant que peu d'interviews et étant complètement coupé du monde. Bon, avec la paye qu'il a engendrée avec "Catcher in the Rye" (qui continue à se vendre à plus de 200 000 exemplaires par an dans les années 2010), il était clairement à l'abri du besoin et comme il devait toujours toucher ses droits d'auteur, je dirais qu'il n'était pas vraiment si coupé du monde que ça, au plus, coupé du monde de la notoriété publique. Mais, après tout, il faisait bien ce qu'il voulait…

En tant qu'auteur à succès, il n'avait plus vraiment de besoins matériels à couvrir par l'écriture, aussi, il paraît qu'il s'est mis à écrire de son côté, mais en refusant de diffuser ses écrits. Un peu à la manière d'un type qui publie des articles sur son site web mais qui sait qu'ils ne seront lus par personne et qui s'en tamponne: l'essentiel, c'est d'écrire, pas d'être lu !

Ce que je retiendrai de l'Attrape-cœur

J'ai passé un bon moment à lire ce livre. J'en suis encore un peu marqué émotionnellement, par un je ne sais quoi de particulier. Je ne suis pourtant plus un adolescent, mais je crois qu'on a tous en nous une part de cet âge si particulier, qui fait qu'on quitte le monde si spécial de l'enfance pour celui plus brut mais plus libre de l'âge adulte. Donc, peu importe votre âge, vous finirez toujours par vous sentir concerné par les propos de Caulfield, c'est la grande force de Salinger d'avoir su transmettre ces sentiments, au gré du temps qui passe…

Si je devais emprunter le style de Salinger et de cette nouvelle, je conclurais en disant: "Oui, je sais, résumé comme ça, ça ne fait pas forcément super mais, le plus simple serait que vous lisiez par vous-même, parce que comme c'est écrit là dans l'article, ça le fait pas trop; je veux dire, que ça me tue de me relire tout ce fatras de mots… mais bon, c'est comme ça: un bon bouquin, faut que tu le lises tout seul comme un grand et de préférence sur ton pageot, avant d'aller pioncer !"