Intégrale musicale de septembre 2017: Marvin Gaye🔗
Posted by Médéric Ribreux 🗓 In blog/ Vie-courante/
Introduction
Dans mes résolutions de 2017, il y a marqué "Écouter l'intégralité d'un artiste musical par mois"… Pour le mois de septembre, ce sera une légende de plus: Marvin Gaye.
De quand date ma rencontre avec Marvin Gaye ? Ça remonte forcément à longtemps car cet artiste majeur est mort en 1984 alors que je n'avais que 6 ans. Mais j'ai toujours le souvenir d'avoir entendu "Sexual Healings" à la radio, même si la fréquence de diffusion a fortement baissée ces dernières années.
Avec le temps, j'ai fini par acheter l'album du best-of qui date de 1994. Je l'ai écouté plutôt vers 1998-1999 et j'ai vraiment adoré.
Je vais donc prendre le temps de décrire un peu mieux ce que j'ai compris et retenu de la production de Marvin Gaye et, comme à mon habitude, je vais le faire dans l'ordre chronologique. Néanmoins, j'ai aussi inclus les quelques albums en duo sur lesquels Marvin Gaye a posé sa voix.
Un début sous les couleurs d'un chanteur playboy noir
The Soulful moods of Marvin Gaye (1961)
Pour ce premier album, Marvin Gaye impose un style de chanteur "à femmes". Les mélodies sont plutôt douces avec un soupçon de rythmique, la voix se fait de velours.
Dès la première piste "The Masquerade is Over", qui est très bonne, on voit quelle va être la destinée de ce chanteur à la voix plutôt perchée. Nous sommes bien loin des productions de la même époque comme les Beach Boys. N'oublions pas non plus que le Rock'n Roll commence à percer près de 6 ans plus tôt. Arrive donc Marvin Gaye et son style, sans doute en accord avec ce que pouvait faire un Nat "King" Cole ou les années crooners de Frank Sinatra.
Comme le titre de l'album l'indique, on aura un répertoire crooner avec un zeste de musique Soul. Ce qui rend vraiment bien.
Si l'on observe les titres des pistes, on retrouvera un grand nombre des classiques interprétés depuis quelques années par d'autres interprètes. C'est le cas de "My Funny Valentine" et de "Witchcraft", par exemple. Mais ce ne sont pas les interprétations les plus réussies, il faut quand même le dire: on est loin de ce que pouvait faire Frank Sinatra quand même (bon, il n'avait pas les mêmes moyens limités que Marvin Gaye, le débutant de l'époque).
Cet esprit de douceur se retrouve sur la piste "Easy Living" plus travaillée à mon sens. C'est aussi avec surprise qu'on se rend compte que la piste 5 "How Deep is the Ocean" a le même rythme que la première (et quasi la même mélodie).
Mais en dehors de "The Masquerade is Over" et "Let Your Conscience Be your guide" qui sont les deux pistes qui percent vraiment dans cet album, le reste est assez moyen, calqué un peu sur les productions guimauves de l'époque.
Reste quand même, à la lumière de ces deux pistes, un potentiel qui ne demande qu'à se découvrir dans de prochains albums.
That Stubborn Kinda Fellow (1962)
Avec ce nouvel album, Marvin Gaye impose un style plus dynamique, plus soul, plus funk, plus rythmé à son public, pas encore trop formaté.
Dès la première piste, intitulé "Stubborn Kind of fellow", le dynamisme prend la tête et nous en met plein les oreilles. Bien distante du précédent album, on y retrouve une source quasi infinie d'énergie et ce, dès l'introduction. Les choeurs finissent par nous faire chanter avec eux. Cette piste symbolise à elle seule, l'intégralité de l'œuvre de Marvin Gaye: du dynamisme, des choeurs féminins, une vois plutôt perchée, des onomatopées, des cris, du velours feutré, de la sensualité.
Cette forme continue dans la deuxième piste "Pride & Joy", avec un succès moindre mais avec cette même forme de dynamisme. On retrouve la même recette sur "Hitch Hike".
Le summum de cette fraîcheur explose avec "Wherever I lay my hat". Mais après cette piste, la douceur mielleuse revient et les pistes sont quand même moins bonnes.
Loin d'atteindre la perfection, "That Stubborn Kinda Fellow" est très nettement un cran au-dessus du premier album de Marvin Gaye. Certaines de ses pistes sont d'un très bon niveau. Elles préfigurent ce qui suivra dans la carrière de cet interprète.
Hello Broadway (1964)
Avec un titre pareil, on peut se dire qu'on s'éloigne de l'album précédent et qu'on se rapproche du premier. Et effectivement, c'est ce qu'on retrouve: du crooner, de la musique grave, avec, il faut bien l'avouer, un zeste de Soul Music pour l'agrément.
L'ensemble se révèle effectivement un peu mou mais quelques pistes finissent par percer:
- "People", grave, résonnante et fugitive.
- "What Kind of Fool Am I".
- "Walk on the wild side", la plus dynamique de tout l'album.
Pour résumer, "Hello Broadway" fait un peu mieux que "Soulfull moods". On peut l'écouter un soir, tranquille, ça ne rend pas si mal. On se rend compte que Marvin Gaye a quand même une voix agréable. Les arrangements sont de la grande époque crooner et de qualités, en tout cas, mieux que sur "Soulfull moods". Pour le reste, l'album a quand même quelques relents sirupeux…
When I'm alone, I Cry (1964)
Le titre de l'album préfigure quelque-chose de triste, de calme et de mélancolique. Et il s'agit bien du contenu que vous trouverez sur cet album.
Marvin Gaye persiste et signe dans son registre crooner noir. Quand on sait ce qu'il a fait plus tard dans sa carrière, ça fait toujours un peu bizarre de se dire qu'on va mettre un disque de Marvin Gaye comme on mettrait un disque de Sammy Davis Junior !
Mais reste cette voix si particulière qui tance les meilleurs de l'époque. Ainsi quelques pistes finissent par émerger de ce tas de miel: * "I Wonder" qui est poil plus dynamique. * "I'll be around" certes nostalgique mais plutôt tonique.
Mais le reste est trop en décalage avec un album comme "That Stubborn Kinda Fellow" par exemple. Donc finalement, j'aime assez peu cet album. Peut-être un soir d'automne, pourquoi pas ?
Together (en duo avec Mary Wells) (1964)
En règle générale, je n'aime pas les duos. Mais, les duos de Soul Music sont généralement très bons et très emblématiques d'une époque, surtout celle de la fin des années 60. Mais là, on est plus dans la première partie des années 60. Voyons ce que ça donne…
Eh bien, on peut dire qu'au moins "Together" est plus du même genre que "That Stubborn Kinda Fellow". L'album est plus tonique et plus dynamique. Dès les premières pistes, on s'en rend compte et ça rend plutôt pas mal. Ainsi "Once Upon a Time" sonne plutôt bien et donne le ton dès le départ. C'est aussi ce qui se passe pour les quelques pistes qui suivent. Le duo est assez complémentaire.
Mais j'ai pourtant du mal à accrocher. C'est trop plat, trop mou rétrospectivement. C'est trop moyen. Même la chanson phare de l'album, "Together" ressemble à une ballade trop légère et trop niaise.
En dehors de la première et de la dernière piste, le disque reste assez décevant même s'il annonce sans doute une amélioration du style de Marvin Gaye pour les prochains albums.
A tribute to the great Nat "King" Cole (1965)
Bon, il s'agit d'un disque de reprises et, vous savez ce que je pense des reprises (pour résumer, c'est MAL).
Et bien là aussi, je pense que rien ne vaut l'original. Marvin Gaye essaye de se transformer en Nat "King" Cole tout en faisant l'effort de poser sa voix, de faire quelques modifications sur le rythme mais l'ensemble reste vraiment trop proche de l'original pour réellement susciter l'intérêt.
Autant mettre le best-of de Nat "King" Cole, ce sera aussi bien…
Un début d'affirmation avec les années soul
How Sweet it is to be loved by you (1965)
Après de nombreux albums sur le thème crooner, Marvin Gaye semble amorcer une nouvelle période avec cet album, sorti en 1965. On y retrouve beaucoup de la formule de "That Stubborn Kinda Fellow" ce qui en fait forcément quelque-chose d'intéressant.
La première piste "You're a wonderful one" sonne déjà très bien. Mais c'est le titre éponyme de l'album qui marquera plus les esprits. C'est la meilleure piste de l'album.
Pour le reste, l'album est calqué sur les recettes de "That Stubborn Kinda Fellow": une voix haute perchée, quelques choeurs, un rythme dynamique, des cuivres marqués. Mais cette recette n'est pas garantie de succès. Je note quelques pistes qui sortent de "l'ordinaire":
- "Try it baby".
- "Baby don't you do It".
- "Need Somebody".
Le reste est un cran en dessous. Mais, dans l'esprit, il y a du mieux sur cet album.
Moods of Marvin Gaye (1966)
Attention, tout change avec "Moods of Marvin Gaye" qui est l'écho non crooner de "The Soulfull Moods of Marvin Gaye" et qu'il ne faut pas confondre avec, tant il n'a rien à voir.
Dès la première piste, tout est neuf: "I'll be Doggone" s'affirme comme un nouveau genre pour Marvin Gaye: du rythme, une mélodie simple, quelques percussions, des choeurs dynamiques, des cuivres qui viennent ponctuer les paroles pour mieux les mettre en valeur… et toujours cette voix, moins chaleureuse, plus directe, presque éraillée.
"Little Darlin, I Need You" est une bonne ballade avec des choeurs puissants et un air entraînant qui s'écoute facilement; un hit, à coup sûr. Dans le même genre "Hey Diddle Diddle" sonne dans les mêmes tonalités avec une mélodie encore plus binaire et réduite. Mais c'est pas mal non plus.
"Ain't That Peculiar" est sans doute la meilleure piste de l'album, dans tous les cas, la plus emblématique: elle vient supprimer l'esprit crooner de Marvin Gaye, en lui permettant de trouver une nouvelle manière de faire de la musique et de la chanson sans renier les thèmes comme l'amour, la joie, la transcendance. Si les sujets restent les mêmes, les chansons ont bien changées depuis "The Soulfull moods of Marvin Gaye".
"You've been a long time coming" reste sur la ligne séduction, avec une chanson plus douce mais, comme sur les autres pistes, c'est un autre style, plus contemporain, plus intemporel, plus Soul. La piste qui suit "Your Unchanging Love" adopte les mêmes codes, en plus dynamique et c'est vraiment très bon à écouter.
"One for my baby (and one more for the road)" qui termine l'album vient vraiment affirmer le nouveau Marvin Gaye. Le thème de l'amour est y présent, le rythme est plus lent mais, plus de crooner, plus de miel, plus de colle, tout ça, c'est terminé, place à la Soul, la vraie…
Un an près "How Sweet It is to be loved by you", "Moods of Marvin Gaye" est un album d'accomplissement. C'est enfin le premier album produit par Marvin Gaye qui s'écoute dans son intégralité. Il n'y a rien à jeter dessus. Mais est-ce-que cette qualité va perdurer ? Réponse dans un an pour l'album suivant !
I heard it through the grapevine (1967)
On sent qu'on est désormais dans un univers à part. Marvin Gaye a trouvé son rythme dans le dernier album, va-t-il poursuivre ce miracle ?
La réponse est oui ! "I Heard It Through The Grapevine" démarre d'ailleurs très fort avec le titre "You" qui interpelle tout le monde dans un rythme endiablé.
"Tear It Down" démarre comme une ballade innocente mais trouve une mélodie bien plus complexe que de prime abord, une surprise qui ne s'apprécie pas forcément à la première écoute.
"Chained" s'affirme comme la piste Soul de l'album, on y retrouve tous les codes, du rythme, de la mélodie ponctuée par les cuivres, des voix en ruptures et des choeurs puissants.
Vient ensuite LA piste de référence, celle que tout le monde connaît, un des hits les plus puissants de Marvin Gaye: "I Heard It Through The Grapevine", l'indémodable et unique morceau qui pourrait qualifier Marvin Gaye à lui seul.
Mais ce n'est pas la seule bonne piste de l'album qui en est littéralement truffé. "At Last (I Found a Love)" très dynamique et très Soul voire Funky est d'un très bon niveau.
C'est la même chose pour le morceau qui suit: "Some Kind of Wonderful" qui est dans un registre plus calme, plus complexe, avec une gradation jusqu'au refrain.
Vient ensuite "Loving You is Sweeter Than Never", une piste à succès de l'album, sans doute la meilleure après "Grapevine", un peu bâtie comme une chanson de duo (dans les albums qui suivront).
Les pistes qui suivent sont toutes de bonne facture, assez sérieuses, assez Soul, finalement savoureuses même si elles ne constituent pas de hits. Dans tous les cas des choses comme "It's Love I Need" sonnent vraiment bien.
Au final, comme pour l'album précédent, il n'y a rien à jeter sur ce nouvel album. Bienheureuse, l'année 1967 (on y faisait de bonnes Ford Mustang d'ailleurs) !
En guise de conclusion, "I Heard It Through The Grapevine" est un évènement dans la carrière de Marvin Gaye. C'est l'un de ses albums principaux de la fin des années 60, majeur. Si tu ne l'as pas écouté, tu ne sais pas vraiment ce que chante Marvin Gaye.
United (1967)
United est le premier album de collaboration entre Tammi Terrel et Marvin Gaye. Pour l'histoire, ils ont fait trois albums mais en 1967, Tammi Terrel s'effondre sur scène. À l'issue du concert, on lui découvre une tumeur au cerveau. La jeune interprète meurt en 1971 et Marvin Gaye en est profondément affecté, il y a de quoi le comprendre.
Bon, nous avions vu que le duo avec Mary Wells était assez moyen. Donc, que vaut cet album ? Eh bien, c'est tout le contraire ! Les chansons figurent parmi les meilleures chantées par Marvin Gaye et on peut dire que sa voix se marie à la perfection avec celle de Tammi Terrel. On a donc un album rempli de tubes: pas mal pour un premier album de collaboration.
La première piste "Ain't No Mountain High Enough" est un monument de la musique Soul, rien que ça. Elle a d'ailleurs été reprise par Diana Ross quelques années plus tard. Je le cite, car la version de Diana Ross vaut vraiment le détour, ce qui est assez rare pour une reprise et donc ça vaut le coup de le faire remarquer, à croire que la chanson est naturellement destinée à être excellente…
Une autre piste d'intérêt est "If I could Build My World Around You" qui sonne un peu comme la première piste de l'album. Sa structure est moins dynamique, plus déclarative et posée mais les voix sont très concordantes, très harmonieuses. La mélodie compte aussi beaucoup.
"Two can have a party" est une réussite: la mélodie est dynamique et entraînante et la voix de Marvin Gaye sonne fort bien dans ce rythme soutenu. J'avoue que c'est une piste un peu moins connue mais qui est vraiment majeure dans cette collaboration.
"If this world were mine" est une déclaration d'amour tout en douceur au début mais qui monte crescendo. Une piste excellente également.
Au menu des ballades un peu enjouées, je vous recommande d'écouter "Give a little love" qui viendra égayer votre promenade.
Un seul bémol pour cet album: la reprise de "Somethin' Stupid" (seule celle de Frank Sinatra vaut vraiment le détour), comme toutes les reprises, est franchement un cran en dessous. Marvin Gaye a baissé d'un octave sur cette piste et ce n'est pas une réussite (il est inaudible comparé à Tammi).
"United" est un accomplissement: on découvre deux artistes complets dessus. Marvin Gaye a une voix excellente sur cet album. Elle est sublimée par celle de Tammi Terrel et réciproquement. Un duo excellent s'est composé, c'est pourquoi ils persisteront et signeront deux autres albums avant la mort de Tammi.
You're all I need (1968)
Attention, cet album est du lourd ! D'abord par le nombre de morceaux. On en compte pas moins de 22 sur certaines éditions même si j'en dénombre 12 originales. Ensuite, par la qualité de la production. Sur ces 12 pistes, je dirais qu'il y en a au moins 9 qui sont excellentes.
Dans le top de ces pistes, il y a le haut du panier, celles qui sont des références à jamais, immédiates:
- "Ain't Nothing Like The Real Thing".
- "Keep On Lovin' Me Honey".
- "You're All I Need to Get By".
- "You Ain't Livin' Till You're Lovin'"
- "I'll Never Stop Loving You Baby"
Puis les pistes moins connues mais qui valent le détour:
- "Baby Don't Cha Worry".
- "Give In, You Just Can't Win", la dynamique.
- "Memory Chest".
- "That's How It Is".
Je vous laisse écouter tout ça à l'occasion, vous allez vous régaler si vous apprécier Marvin Gaye ou Tammi Terrel (ou les deux). Je comprends pourquoi cet album est une référence.
Encore une fois, le duo est magnifique, la qualité est encore un cran au-dessus de United. J'aime vraiment cette collaboration qui est décidément très fructueuse. Marvin Gaye sans Tammi Terrel, n'est plus vraiment Marvin Gaye.
M.P.G. (1969)
Pour 1969, il y a un peu de changement chez Marvin Gaye. Il a repris les recettes apprises dans les 2 albums produits avec Tammi Terrel, sauf que cette fois, il chante seul (enfin avec des cœurs). Ce faisant, il poursuit également ce qui a déjà été entrepris quelques années plus tôt avec les albums "Moods" et "Grapevine".
Pour information, "M.P.G." signifie: "Marvin Pentz Gay", le nom complet et véritable de Marvin Gaye (avec un e à la fin).
"Too Busy Thinking About My Baby" ressemble effectivement à une chanson de duos mais Marvin chante seul. Néanmoins, la chanson est vraiment excellente car elle s'approche plus de l'ADN de Marvin Gaye avec un rythme plus enjoué et une voix moins crooner, qui reste chaleureuse et plus sensuelle.
"This Magic Moment", plus innocente, plus simple, reprend les codes du monde crooner de Marvin Gaye mais, cette fois, son interprétation change tout et finit par faire oublier le côté un peu niais initial. Mais c'est la rare piste à faire ça sur l'album.
La troisième piste, "That's the way love is", change du tout au tout, on a l'impression d'avoir un mélange de "Grapevine", de "Stubborn Kinda Fellow" et de "United" mélangé dans une chanson un peu grave, avec une mélodie sérieuse. L'ensemble est excellent et bien en rupture avec les anciennes productions de Marvin Gaye. Elle sonne comme une volonté de s'émanciper, de casser les codes… Sans doute pour donner ce qu'on verra plus tard dans l'album qui suivra.
Assez bizarrement, "The End of Our Road" reste un peu dans le même registre: des paroles un peu sombre, une mélodie sérieuse mais plus mal servie par des riffs de guitare un peu trop léger à mon goût. Heureusement, les cordes viennent sauver un peu le tout, sans oublier la voix de Marvin Gaye.
"Seek And You Should Find" représente un bon mix entre un Marvin Gaye crooner et un Marvin Gaye eveillé aux duos. Ce morceau est un tube, ne l'oublions pas: rapide, enjouée, elle est vraiment très bonne.
De ce côté, "It's a better pill to swallow" vient réveiller les esprits, un peu comme sur les albums "Moods" et "Grapevine". Très bonne coupure ! Dans le même genre, et juste à la suite, on trouve "More than a heart can stand" qui est aussi dynamique et rythmée et avec une mélodie bien sympathique.
Par ailleurs, le reste des pistes sonnent maintenant comme dans l'album "Grapevine". Elles sont d'ailleurs très bonnes: "Try My True Love", "I Got to Get to California" et "It Don't Take Much To Keep Me" sonnent bien, rythment bien et chantent bien. L'album est donc terminé en apothéose.
"M.P.G" reste un album dans la digne lignée de "Grapevine". De nombreuses pistes qui sont des hits, ou d'un très bon niveau, peu de pistes sans intérêt. On y trouve un peu de mode crooner dans quelques morceaux, mais ce n'est pas l'essentiel. Au contraire "M.P.G." vient plutôt clore une lignée d'album de la deuxième moitié des années 60 dont on peut dire qu'elle a permis à Marvin Gaye de trouver son style propre: plus engagé, plus sérieux, moins crooner, un peu moins mélancolique avec un style musical propre mais non figé. En quelques années, Marvin Gaye a su montrer qu'il était capable d'évoluer profondément. Et c'est bien aussi ce qui nous attend avec les albums de la décennie 70.
Easy (1969)
En 1969, et après M.P.G. paraît le dernier album de la collaboration entre Tammi Terrel et Marvin Gaye. Disons-le tout de suite, il est également excellent.
Dès la première piste le ton est donné: "Good Lovin' Ain't Easy To Come By" est un morceau mémorable, rythmé, dynamique, vraiment très bon. Il est immédiatement suivi de "California Soul", lui aussi un tube.
"The Onion Song" propose également un air entraînant sur un tube.
En dehors de ces trois morceaux majeurs, les autres pistes sont également très intéressantes et s'accordent assez bien, mais je ne vais pas toutes les citer, je vous laisse les découvrir.
Pour résumer, "Easy" reste dans la continuité de la collaboration entre Tammi et Marvin: du très bon. Pour la petite histoire, c'est assez surprenant d'avoir autant de qualité alors que Tammi Terrel est littéralement mourante. Je pense que les sessions d'enregistrement ont été compliquées pour elle et c'est tout à son honneur d'avoir physiquement pu mener l'album jusqu'à ce niveau, même si de nombreuses pistes ne comportent vraisemblablement pas la voix de Tammi.
Quel dommage de devoir tout arrêter d'un coup, à 24 ans… J'aurais bien aimé voir ce que cette voix prodigieuse aurait pu produire dans ces années prolifiques. Mais cela ne se fera jamais et cela fait plus de 50 ans maintenant. Les curieux de la Soul Music se font maintenant vieux comme moi…
La rupture consécrationnelle d'un artiste engagé
What's Going On (1971)
Après quelques années d'affirmation de son style, Marvin Gaye finalise un élément majeur de sa production, sans doute le plus important de toute sa carrière.
En 1971, après une série de troubles sociaux envers les communautés afro-américaines, Marvin Gaye prend clairement la résolution de l'engagement ce qui rompt totalement avec son image de chanteur playboy du début des années 60. En moins de 10 ans, la transformation est totale. Ceci se voit directement sur l'aspect physique de Marvin Gaye, présent sur la pochette de l'album: il porte maintenant la barbe et pose sous la pluie.
Mais c'est surtout au plan musical que cet album est une extraordinaire percée. Il ne contient presque que des tubes (enfin, c'est mon avis). J'ai aussi remarqué que malgré le thème et les mélodies différentes des musiques, il reste une espèce de trame propre et commune à l'ensemble de l'album, une trace musicale perceptible sans forcément être descriptible en détails. Ce sera sans doute, les rythmes de basses assez proches, les mélodies proches entre "What's Happening Brother" et "Mercy Mercy Me", je ne saurais le dire en détails.
La noirceur s'explique aussi par la mort de Tammi Terrel, moins d'un an avant. Marvin Gaye en est profondément affecté et trouve dans ce malheur, la source d'inspiration sombre qui fait l'essence même de l'album.
On retrouve une floppée de titres majeurs dans cet album de référence, sans doute le meilleur de toute la carrière de Marvin Gaye. Le titre éponyme, "What's Going On" est un tube complet: du rythme, de la Soul music à plein nez, des textes réellements engagés, la description d'un problème sociétal et des pistes de solutions par l'amour, le tout sur une mélodie finement ciselée et très musicalement parlante. Un must !
La deuxième piste intitulée "What's Happening Brother" reste sur le même ton que la première piste, sans doute sur la même mélodique que les pistes majeures de l'album. Une grande part de l'espace musical est laissé à un ensemble de cordes qui façonnent la mélodie de manière sublime. Les textes sont également très engagés. Elle est extrêmement proche de "Mercy Mercy Me" à tel point que j'ai cru qu'il s'agissait d'une pré-version de "Mercy Mercy Me". Mais non, les paroles de cette dernière sont bien différentes et sont plus axées sur l'écologie, la survie de la Nature dans un monde pollué par l'activité humaine. Pour 1971, voici un thème bien précoce, dans les prémisses de l'activisme écologique.
La piste "Flyin High" s'accorde bien avec "What's Happening brother", même si elle est très différente dans sa mélodie. On reste sur un peu de sombre, un peu de mélancolie et toujours cette voix perchée si typique.
Mais la palme de la piste la plus sombre est sans doute à accorder à "Save The Children". On y trouve un duo de voix de Marvin Gaye: la première, grave, énonce un ensemble de paroles désespérées, d'un ton monocorde, et la seconde, reprend ces paroles avec un octave au-dessus avec un brin de mélodie. Quand on les écoute avec attention, les paroles sont assez pessimistes (c'est pour ça qu'elles sont indispensables): Marvin Gaye pose la simple de question de savoir si ce monde dans lequel nous vivons a encore une raison pour laquelle il faudrait le sauver. La conclusion "Save the children" n'est pas si affirmée que ça: le dernier refrain repose encore et toujours la question de savoir si quelqu'un souhaite vraiment sauver un monde destiné à mourir !
Dans le registre de la douceur et de la réconciliation, intervient la piste "Wholy Holy". Une bénédiction complète de la part de Marvin Gaye qui vient nous sauver de la grâce de sa voix si chaleureuse et si transportante. Il est aidé toujours par ces cordes un peu lancinantes mais si mélancoliques. L'ensemble forme un très bon morceau qu'on prend plaisir à écouter plusieurs fois pour calmer son esprit et son stress (enfin, c'est que je fais parfois).
Enfin, pour terminer l'album, on trouve une piste un peu inquiétante dans son rythme: "Inner City Blues". Tout est ici un peu mécanique, binaire, comme un marteau piqueur qui taperait très lentement. Elle reste néanmoins une piste essentielle de l'album.
Pour résumer, "What's Going On" est vraiment très complet. Le thème un peu sombre de l'avenir en danger laisse transparaître un nouveau style de Marvin Gaye, plus en retrait des chansons "à femmes", plus en adéquation avec les thèmes sociétaux de son époque, voire carrément en avance sur la critique du système économique occidental. "What's Going On" est un incontournable, si on ne devait retenir qu'un seul album de toute la carrière de Marvin Gaye, ce serait, sans discussion, celui-ci.
Trouble Man (1972)
Après "What's Going On", Marvin Gaye se lance dans la réalisation d'une bande originale de film avec "Trouble Man", du titre éponyme. Ce film, que vous n'avez sans doute jamais vu, est un film de blacksploitation: une production de cinéma 100% afro-américaine, un mouvement assez populaire dans le début des années 70 qui a vu sortir des choses assez bien réussies comme "Shaft" ou "Superfly" ou encore "Black Caesar". Une des caractéristiques de certains de ces films est d'avoir une bande originale écrite par un super chanteur de Soul music. Pour Superfly, c'est Curtis Mayfield, pour Black Caesar, c'est carrément James Brown. Pour "Trouble Man", ce sera Marvin Gaye.
Cette fois, Marvin Gaye produit un album assez particulier. Car la bande originale du film est surtout composée de pistes entièrement musicales, là où Black Caesar laisse plus entrevoir la voix de James Brown.
Pour Trouble Man, la musique est plutôt bien placée sans être quelque-chose d'extraordinaire. Je pense qu'il faut voir le film pour mieux comprendre.
Le seul morceau vocal qui sort vraiment de l'album est le titre éponyme qui est une vraie réussite. C'est d'ailleurs la seule piste vraiment vocale de tout l'album.
Sans être un hit majeur, "Trouble Man" se débrouille plutôt pas mal. Mais clairement, il est en retrait par rapport à une excellence comme "What's Going On". Mais rien n'empêche de l'écouter avec plaisir.
Let's Get It On (1973)
Pour l'année 73, Marvin Gaye nous refait le coup de "What's Going On", en moins sombre, en plus passionné mais avec les mêmes recettes musicales dans toutes leurs grandeurs.
Ce début des années 70 est sans conteste le meilleur de la production de Marvin Gaye. Il a enfin réuni tous les éléments qui font son style si particulier. La voix est restée fidèle mais les rythmes sont enfin trouvés et ajustés, les mélodies percutent l'âme, les cordes et les percussions entraînent l'esprit et laissent transpirer les émotions brutes, qu'elles soient mélancoliques, tristes ou joviales et triomphantes.
Disons le clairement, il n'y a absolument rien à jeter dans "Let's Get it On". Toutes les pistes sont écoutables et même vraiment très bonnes. Au contraire de "What's Going on", on ne retrouve pas vraiment de trame musicale, ce qui montre que pour exceller, Marvin Gaye peut employer n'importe quelle mélodie.
C'est un vrai plaisir d'écouter cet album, plus charnel, plus joyeux, plus rassurant, plus doux aussi. La première piste "Let's Get it On", respire la légèreté de l'amour entre deux êtres qui semble être le fil conducteur de l'album.
"Please Stay" présente une introduction un peu marginale mais son cœur est vraiment passionné, cette passion étant croissante jusqu'à la fin de la piste, on est vraiment surpris par cette gradation de près de 3 minutes 30 secondes.
"If I Should Die Tonight", plus grave dans son thème, plus douce dans son approche est un vrai régal d'amour avec un brin de nostalgie mais savamment dosée.
"Keep Gettin'On" ressemble fortement le refrain mélodique de "Let's Get it On" pour mieux le compléter. C'est vraiment très bon aussi.
"Come Get To This" avec ses cordes en trame de fond et son saxophone entêtant, son rythme saccadé et les trémolos de la voix de l'interprète est également une piste excellente.
"Distant Lover", plus simple, avec moins d'instruments mais plus de choeurs est fondamentalement différente des autres pistes, elle semble reprendre plusieurs des codes de l'ancien Marvin Gaye. Elle reste pourtant très bonne, très sensuelle avec un peu plus de douceur.
"You sure love to ball" est moins immédiate que les autres, il faut l'écouter pour en apprécier la saveur.
Enfin, "Just to keep you satisfied" vient conclure à la perfection et en douceur l'album.
Oui, "Let's Get it On" est sans doute le meilleur album de Marvin Gaye après l'explosion "What's Going On"…
Diana & Marvin (1973)
En cette même année 1973, Marvin Gaye nous refait le coup d'un album duo. On va oublier celui des débuts avec Mary Wells pour ne retenir que ceux avec Tammi Terrell qui étaient extraordinaires.
Que vaut donc le duo avec Diana Ross ? Et bien, il est d'une excellente qualité et ce, dès la première piste: "You Are Everything" qui est une véritable déclaration d'amour. Les voix de Diana et de Marvin se complètent à merveille; les paroles sont simples mais percutantes, la mélodie d'une douceur absolue. Un hit assurément.
"Love Twins", sans atteindre le niveau de "You are everything" sonne bien, même si l'introduction est un poil étrange. C'est aussi le cas de l'introduction de la piste qui suit "Don't Knock My Love", bien plus rythmée.
Mais, une autre chanson plus en phase avec l'album, reste, sans conteste "You're a special part of me" qui ressemble davantage à "You Are Everything". C'est plus une chanson de duo. C'est la même chose pour la chanson "Pledging My Love", plus douce, plus ballade.
La longue piste "Just Say, Just Say", introduit longuement "Stop, Look, Listen", un autre hit de l'album.
Deux hits, c'est bien mais peut-on aller plus loin ? Oui, je dirais, si l'on en prend en compte "My Mistake" qui sonne immédiatement bien aux oreilles. Sur ce morceau, on remarque bien que les chanteurs ne sont pas en studio en même temps car les voix sont bien séparées, malgré le mixage.
Que dire sur "Diana & Marvin" ? Sans égaler la puissance d'un "United", on trouve de belles pistes sur cet album. La style a évolué car nous sommes dans des années Soul et que Diana Ross a une voix bien particulière. Le ton est plus doux, plus passionné. Cet album voit quand même un ensemble de chansons d'un vrai intérêt, d'un genre presque nouveau (pour Marvin Gaye).
Sachez que Marvin a longuement hésité avant de faire cet album car toutes ses collaborations féminines se sont révélées négatives pour ses partenaires, soit du point de vue du succès post-album, soit d'un point de vue de santé pour Tammi Terrel.
Mais il est bel et bien réussi…
I Want You (1976)
Après les hits de "What's Going On" et de "Let's Get it On", que peut-on bien faire qui reste excellent ? Marvin Gaye y pourvoit avec "I want you".
Ça commence très fort: la première piste, intitulée "I Want You" est une véritable ode sexuelle, chaleureuse, langoureuse et rythmée comme jamais. Une véritable déclaration explicite d'une beauté à tomber par terre. L'image qui me reste imprégnée de cette musique, c'est un Bill Murray assis sur son canapé en train de boire une coupe de champagne, seul, en robe de chambre sur le fond de "I Want You" (dans le film Broken Flowers). Ce morceau vaut vraiment son pesant de cacahuètes. J'adore l'écouter, juste pour la beauté de la réalisation.
Évidemment, après un carton aussi fort, le reste de l'album tente de retomber sur ses pattes. "Come Live With Me Angel" qui vient juste après redevient un peu plus sérieuses malgré les appels incessants de Marvin Gaye à le rejoindre. Encore teinté de "sex appeal", le morceau reste un peu plus sage mais d'un grand intérêt.
"After The Dance" avec son introduction qui fait un peu peur, finit par intéresser le public. Entièrement musical, ce morceau sans parole est un bon détournement après les deux premières pistes, sans doute trop "chocking" pour l'époque.
Marvin reprend la parole pour "Fell All My Love Inside", encore une ode sensuelle, moins enveloppante que "I Want You" mais très forte avec des cris de femmes, un soupçon orgasmiques. Mais même si l'enveloppe semble scandaleuse pour l'époque, la voix de Marvin et la mélodie permettent de transcender tout ce déballage, ce qui en fait une chanson finement ciselée qui ne tombe pas du tout dans la vulgarité.
Pour se calmer, on enchaîne avec "I Want To Be Where You Are". Moins chaleureuse et sensuelle, elle présente une mélodie bien rythmée, de bons coups de saxos. Comme elle dure moins d'une minute et trente secondes, le plaisir de l'écoute s'envole…
"All the way 'Round" vient compléter la piste précédente avec ses solos de saxos, son rythme endiablé, ses cuivres fous et toujours la voix d'un Marvin Gaye, champion de l'amour ! Une belle réussite entraînante et qui n'en finit pas.
Pour terminer l'album, comme un clin d'oeil assurément, Marvin Gaye propose "Soon I'll Be Loving You Again" qui est également excellente. Son introduction reprend les mimiques de "I Want You", la mélodie est proche de cette première piste, sauf que la voix est plus aigüe et que le rythme est moins langoureux, plus dynamique. Un bon complément à "I Want You".
En résumé, après les deux excellents albums "What's Going On" et "Let's Get it On", "I Want You" reste largement dans le niveau. Aucune piste n'est à jeter dessus et elles sont pratiquement toutes extraordinaire. Clairement, on est encore dans le meilleur de la carrière de Marvin Gaye. Rien ne semble lui aller mieux que ce début des années 70, sa meilleure période.
Bon, si vous ne l'avez pas encore compris, "I Want You" est le disque que vous devez mettre si vous voulez conclure ce soir ;-) Après si l'être en face n'apprécie pas cette musique, peut-être est-il encore temps de changer de partenaire ?
Here My Dear (1978)
La fin des années 70 pour les musiques afro-américaines rime avec Disco ! C'est le cas pour cet album qui sans être du vrai Disco, ressemble à un mélange entre Soul music, Funk et Disco. Ça reste du vrai Marvin Gaye et c'est plutôt une réussite de ce côté.
La première piste, éponyme de l'album, est vraiment très bonne, sans doute la meilleure de l'album. Elle s'enchaîne d'ailleurs très bien avec la suivante "I Met a little girl", qui est un peu son empreinte négative.
Vient ensuite une piste assez sombre mais déterminante dans l'œuvre de l'artiste: "When Did you Stop Loving Me, When Did I Stop Loving You" est une piste d'une longue durée (plus de 6 minutes) qui raconte l'histoire personnelle de la rupture de Marvin Gaye avec sa première femme, la soeur de Berry Gordy (le fondateur de l'illustre Motown). Mélancolique, pleine de reproches, elle n'en reste pas moins d'une grande beauté. Moi j'aime bien l'écouter, sans chercher à comprendre les paroles, juste pour la mélodie qui s'accorde bien avec la musique de la fin des années 70.
"Time To Get Together" fait la part belle aux synthés et aux boîtes à rythmes, prémisses des années 80. Mais l'ensemble n'est pas si craignos que ça. Ça s'écoute même si l'introduction rebute un peu; sans doute la voix de Marvin Gaye.
"Sparrow" après une introduction catastrophique relève un peu la barre, encore une fois c'est la voix de l'interprète qui fait tout même si les cuivres rythmés viennent également emporter la partie.
"Falling in Love Again" est résolument plus funky que le reste avec ses cuivres endiablés, son orgue "bontempi". On aurait pu retrouver cette musique sur Trouble Man par exemple. Ce n'est pas un tube, un truc immédiat mais quelquechose qu'on parvient à écouter en prenant son temps.
Pour résumer, "Here My Dear" reste un cran en dessous des trois derniers albums de musique non réservée au cinéma (donc en excluant "Trouble Man"). Mais il reste d'une bonne qualité. Concrètement, je crois qu'il est difficile d'assurer de l'excellence sur plusieurs années. De plus les codes musicaux avaient évolué avec l'époque et je crois que Marvin Gaye a toujours cherché à s'adapter aux modes, que ce soit en partant de ses origines de crooner, en passant par la musique Soul puis par son engagement des années 70. Il n'y a jamais rien de stable trop longtemps chez Marvin Gaye et c'est tant mieux.
"Here My Dear" finira surement par vous plaire si vous prenez le temps de l'écouter et de vous imprégner de cette voix si chaleureuse.
In Our Lifetime (1981)
Attention, on arrive directement dans les années 80, souvent synonymes de production pas terrible, jetable, aux sonorités si formatées. On a vu plusieurs fois que le style de l'interprète/compositeur a su évoluer au fil des années, il va donc logiquement y avoir du changement…
Pour le premier morceau de l'album, on n'y coupe pas: "Praise" démarre sur les chapeaux de roues avec des synthés, du rythme 80's, des répétitions, de la légèreté. Mais alors qu'on pouvait s'attendre au pire, la voix de Marvin Gaye transcende cette mélodie simpliste. Il a également su ajouter quelques cuivres bien placés qui laissent penser à des relents de Soul music (faut pas déconner, c'est Marvin Gaye quand même). Ce morceau d'introduction est donc vraiment excellent.
Si les pistes qui suivent sont toutes formatées aux codes des années 80, on n'aurait pas pu imaginer qu'elles ne sont pas si mal réalisées que ça. Car ça et là, Marvin Gaye reprend les formules qui ont fonctionné dans les années 70. Par exemple, "Funk Me" aurait très bien pu être une version années 80 d'un morceau situé sur "Let's Get It On".
"Ego Tripping Out" est un mélange d'un morceau qui aurait pu se trouver sur "I Want You" et sur "Let's Get It On", avec une orgie de synthétiseurs. Mais le résultat, assez déroutant au départ s'avère assez savoureux. Une autre des meilleures pistes de l'album.
"In Our Lifetime" vient un peu paraphraser l'excellente "Praise" mais dans un registre un peu différent. Elle dure plus longtemps et possède une trame un peu plus dans la durée.
Dans le même genre "Life is a game of Give And Take", dans un registre plus Soul que les autres se démarque toujours un peu des autres musiques même si les synthés sont de la partie. On y entend un "lament" de Marvin Gaye dans la lignée de "I Want You".
Le deuxième CD de ce double album contient quelques perles mais également beaucoup de reprises ou de versions différentes des pistes énoncées ci-dessus.
Au final, sans être excellent comme les derniers albums, "In Our Lifetime" est la traduction d'un style vers celui des années 80 pour Marvin Gaye. Effectivement, tout changement impose une certaine hésitation, un travail supplémentaire avant d'atteindre la perfection. Même s'il en adopte les codes, "In Our Lifetime" est d'un bon niveau, sans être une bombe. Je vous conseille de prendre de l'écouter plusieurs fois avant de le juger trop hâtivement (laisser sa chance au produit).
Midnight Love (1982)
Voici le dernier album de Marvin Gaye. Il sera tué par son père en 1984. Cet album contient sans doute la chanson la plus populaire de Marvin Gaye qui s'intitule "Sexual Healings".
Mais attention, nous sommes maintenant dans les années 80 qui sont souvent synonymes de merdes sonores jetables. Et malheureusement, d'autant plus qu'il s'agit du dernier album de Marvin Gaye, cet album est trop marqué par les synthés et les boîtes à rythmes pourries. Seule s'extrait "Sexual Healings" qui surfe sur un mélange bien proportionné de recettes musicales des années 70 (pour le côté Soul) et 80 (pour les rythmes). La chanson est vraiment atypique du reste de l'album qui est pratiquement inécoutable.
On dirait un mauvais mix entre Michael Jackson sur "Beat It" et "Huey Lewis and the News" sur fond de LSD. Ça me fait vraiment du mal de l'écrire, mais j'aurais préféré que cet album ne sorte jamais. Il préfigure une évolution franchement pas terrible du style de Marvin Gaye qui, je pense, aurait été profondément défiguré par les années 80, pour notre plus grand malheur.
Nous ne saurons jamais ce qu'il serait advenu car Marvin Gaye n'aura pas l'occasion de produire un nouvel album. Reste toujours l'inaltérable "What's Going On"…
Ce que je retiendrai de Marvin Gaye
Chantre de l'amour et de la Soul, voici ce qu'on pourrait dire de Marvin Gaye. Si vous avez lu l'intégralité de cet article, vous avez pu voir la progression de cet artiste, de ses débuts de "crooner" noir jusqu'à sa notoriété accomplie de "Sexual Healer", en passant bien sûr par sa période la plus intéressante: 1967-1976.
N'oublions pas les duos avec Tammi Terrel et Diana Ross qui sont excellents et qui font vraiment partie de la vie de l'artiste. D'ailleurs à ce propos, il me manque un album dans la discographie de Marvin Gaye: Takes Two qui est un album de duo avec Kim Weston. Je n'ai malheureusement pas pu l'acquérir dans les temps nécessaires à cette intégrale musicale même si je sais qu'il dispose de hits comme "It Takes Two" par exemple.
Les albums les plus excellents restent, dans l'ordre chronologique et selon moi, "I Heard It Through The Grapevine", "What's Going On", "Let's Get It On" et "I Want You".
Encore une fois, en réalisant cette intégrale, j'ai trouvé des chansons peu connues qui m'ont remué les tripes. Elles ne seront jamais sur un Best-Of. Résumer un artiste qui a produit tant d'albums reste quasi impossible, surtout un artiste qui a su s'adapter comme Marvin Gaye.
Je n'ai absolument pas parlé de la vie de Marvin Gaye, en dehors de sa mort et de celle de Tammi Terrel, à dessein. Je n'ai pas à juger sur autre chose que la musique, même si je trouve que la mort de Marvin Gaye est tragique et difficilement explicable. Dans tous les cas, même si je ne l'ai pas connu beaucoup de mon vivant, j'ai un réel plaisir à me replonger dans ces années 60 et 70 de Soul Music qui fait vibrer mes sens et mon cœur comme jamais !
Allez, je vais aller repleurer sur "Save The Children" avant de rêver sur "I Want You"…