Les exilés de l'Eden🔗

Posted by Médéric Ribreux 🗓 In blog/ Lakhota/

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Introduction

Photo de quamutik
Photo de quamutik

Cette fois, je vais aborder un sujet qui m'intéresse beaucoup: les Amérindiens ! Vous aussi, vous avez vu les clichés (qui tendent à disparaître un peu, il faut le reconnaître): les cowboys qui exterminent des sauvages vêtus de peau de bêtes et peinturlurés n'importe comment en faisant des cris bizarres. Néanmoins, malgré ces films, je n'ai jamais pu m'empêcher de trouver ces peuples attirants. Car, il faut bien l'avouer, leur société est très différente de la nôtre et elle me pose nombre de questions. Quel-est leur style de vie ? Quelle est leur histoire ? Comment sont leurs langues (simples, complexes, conceptuellement inabordables pour des occidentaux) ? Sont-ils heureux ? Comment perçoivent-ils la société occidentale ? Quels sont leurs espoirs et leurs attentes ?

Par hasard, j'ai lu le livre intitulé "Les exilés de l'Eden" écrit par l'anthropologue Hugh Brody ("The other side of Eden"). Il a été rédigé à la fin des années 90 et retrace ses idées sur les peuples chasseurs-cueilleurs. L'auteur s'est appuyé sur ses propres travaux et il est important de rappeler qu'il a essentiellement passé du temps à s'occuper des peuples vivant dans le Canada arctique et sub-articque. Dans ces contrées, les Indiens sont essentiellement des chasseurs-cueilleurs, à savoir, des peuples qui ne font absolument pas ou de manière très limitée à l'agriculture.

Voici un résumé (un peu long) de mes notes sur ce livre que je vous recommande vivement pour comprendre un peu mieux ces peuples et découvrir un autre mode d'existence et de rapport à la Nature… (Les citations de Hugh Brody sont stylées en Italique.)

Les idées essentielles

En guise d'introduction, Hugh Brody nous parle brièvement de la vie dans l'Arctique , de ses travaux avec les Inuits, de sa vie dans ces contrées à l'extrémité du monde occidental et d'autres (Bushmen du Kalahari, Aborigènes d'Australie). C'est également le moment où il énonce trois caractéristiques essentielles des peuples chasseurs-cueilleurs.

Pour commencer, un constat simple: les chasseurs-cueilleurs sont présents à la limite du monde développé. Par développé, il entend, le monde agricole et urbain. Et effectivement, si on regarde autour de nous, ceux qui peuvent se réclamer de vivre de la chasse et de la cueillette, sans utiliser d'agriculture, sont, d'une part, peu nombreux et vivent toujours dans des limites du monde: forêt amazonienne, déserts chauds ou froids, zones arctiques. Une tentative d'explication serait sans doute le fait que les terres difficiles à cultiver ne sont pas attirantes pour la civilisation agricole. Les terres des USA ont toutes été transformées par la mise en culture (à l'exception des parcs nationaux certes), les amérindiens de ces contrés ont tous perdu leur territoire, simplement car, en tout point de ce pays, l'agriculture est techniquement et économiquement possible. On comprend plus facilement qu'un environnement hostile à la culture ou à l'élevage est moins attrayant voire rebutant. Du coup, au lieu d'être conquises de force ou par rachat, ces terres ont été laissées à ceux qui les occupaient déjà.

La deuxième idée essentielle de l'auteur est de relever que ces peuples vivent dans la modernité. Les Inuits utilisent des moyens modernes pour survivre (moto-neige, fusils, vêtements synthétiques). Ils ne sont pas en dehors de l'histoire de l'homme et ne vivent pas comme à l'âge de pierre. Dans un sens, leur capacité à utiliser tout ce qui vient de la civilisation de l'homme occidental défie la majorité d'entre nous qui restons bien souvent en panne devant notre voiture. Pour ma part, je ne sais pas réparer une moto-neige et encore moins me servir d'un fusil. Il n'y a donc pas lieu de considérer ces peuples comme étant dans une situation dépassée, comme étant à un niveau réduit de la civilisation humaine.

Enfin, et j'ai trouvé la troisième idée particulièrement percutante, les peuples chasseurs-cueilleurs sont des peuples sédentaires alors que les peuples issus de l'agriculture sont tous nomades ! Cette affirmation peut surprendre. Nous avons tous l'image d'Inuits qui se déplacent de lieu de pêche en lieu de chasse, d'Indiens qui voyagent de camps d'été en camp d'hiver. Au contraire, notre société nous semble stable et immuable, les gens se déclarent sédentaires. Ce constat est seulement vrai pour une courte période de temps. En effet, le mode de vie occidental est basé sur ce que nous croyons être de la sédentarité: sur un an, j'habite toujours au même endroit, j'ai gardé le même travail. Dans ce pas de temps d'une année, ma vie est restée stable. Toujours sur cette période, le chasseur-cueilleur a sans doute séjourné dans plusieurs endroits différents… Il est donc nomade ! Mais si je me projette seulement sur 10 ans dans le passé ? Qu'en-est-il de ma vie d'homme occidental et de celle du chasseur-cueilleur ? Eh bien c'est l'inverse: sur 10 années, j'ai déménagé 4 fois. Mes parents habitent environ à 600 km de chez moi et eux-mêmes vivent à 50 kilomètres de l'endroit où vivaient leurs propres parents. Dans ce même laps de temps, il est fort probable que mon Inuit de service réside toujours près de sa famille, fréquente les mêmes lieux de chasse et de pêche que ses ancêtres… C'est lui le sédentaire ! C'est lui qui réellement habite un endroit.

Si je me projette maintenant sur 500 ans, je vois que mes ancêtres sont partis s'installer dans un autre pays à l'Ouest des mers, à la conquête de nouvelles terres "sauvages" à rendre praticables par l'agriculture. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils s'y sont particulièrement bien distingués. Si vous vous rendez sur le lien suivant qui est une vue satellite d'une partie de la Saskatchewan, je vous recommande de bien regarder tous les carrés qui forment "l'aménagement du territoire" local: tout est cultivé à l'exception du cours d'eau. Tout a été remanié de la main de l'homme et ce, de manière bien géométrique.

Ces ancêtres, les pionniers des siècles précédents, ont rencontrés un jour les Inuits qui habitaient eux depuis des millénaires dans leur lieu actuel de résidence. Ces derniers n'ont pas éprouvé le besoin de le quitter pour conquérir un autre monde.

Le monde occidental est bel et bien un monde nomade, celui des chasseurs-cueilleurs est sédentaire.

Malgré leurs différences, leur mode de vie, les chasseur-cueilleurs font partie de l'humanité. Il y a du génie dans leur manière d'être, dans leur manière de vivre, dans leur regard sur le monde qui nous entoure. A ce titre, leur apport à l'humanité est indispensable même s'il est assez éloigné de ce à quoi nous sommes habitués, en tant qu'êtres de la civilisation occidentale.

Quelques anecdotes

Hugh Brody a étudié les comportements, les coutumes et la vie des Inuits en apprenant leur langue l'Inuktitut ainsi qu'en allant directement les voir et vivre au sein de leur groupe. Le livre est assez riche des anecdotes qui peuvent nous surprendre (du moins qui m'ont surpris). Je vous en fais part dans ce qui suit.

Les noms des enfants

Les noms des enfants Inuits sont donnés selon ceux de leurs âinés. Les Inuits croient que l'esprit des aînés qui sont décédés se "réincarne" dans les nouveaux-nés. Ainsi, ils baptisent l'enfant du nom du proche qui semble le plus ressemblant à un de ceux qu'ils ont connus. Ce mode de "transmission" de l'esprit a tout une série de conséquences sur les rapports familliaux. En effet, pour un grand-père, sa petite-fille qui a pris le nom de son arrière-grand mère (à la petite-fille) possède par la même occasion une référence forte à sa propre mère (du grand-père). Il l'appelle donc parfois "Mère" et elle peut l'appeler "Fils". Ce rapport qui est assez particulier pour les occidentaux, explique sans doute le respect profond des Inuits à l'égard de leur progéniture. Leurs méthodes sont reconnues pour être douces et les enfants sont assez libres. D'ailleurs, ça vous ferait sans doute bizarre si vous grondiez votre propre mère ? Pas vrai ?

Le territoire des Inuits

Les Inuits vivent dans l'arctique qu'on peut définir comme le territoire qui démarre à la limite des arbres. À partir de cette ligne (assez imaginaire tout de même), les arbres ont du mal à pousser et ils disparaissent du paysage. La limite est généralement progressive: les arbres sont de moins en moins grands. Elle est due généralement au froid qui gèle la sève des arbres mais également au pergélisol qui empêche la pousse des racines (et donc la circulation de la sève).

Image Wikimedia de la limite des arbres au Canada
Image Wikimedia de la limite des arbres au Canada

Le ptarmigan

Parmi les oiseaux qui existent dans le monde arctique et sub-arctique et qui sont chassés par les Inuits, il existe le ptarmigan. Le nom ne m'était pas familier alors je me suis renseigné dessus. Pour faire simple, le ptarmigan est un lagopède. Comme toutes les espèces d'oiseaux, il y a plusieurs types de lagopèdes. Celui qui vit dans les territoires du nord est le "lagopède des roches" ou lagopède alpin. C'est le symbole du Nunavut.

Image Wikimedia d'un ptarmigan
Image Wikimedia d'un ptarmigan

Pond Inlet

Une grande partie du travail de Hugh Brody sur les Inuit se déroule à Pond Inlet. Il est difficile de se représenter sa situation sans avoir une bonne connaissance de la géographie de ce lieu.

Pond Inlet se trouve sur l'île de Baffin. C'est généralement une île qu'on oublie un peu sur le planisphère: on dit que c'est glacé et ça apparaît comme un territoire mort. Eh bien non, des gens y vivent. Ils sont certes peu nombreux (11000 habitants à peu près, mais ils existent depuis des millénaires. Ce qui est bien, c'est l'étendue de ce territoire: l'île de Baffin est légèrement plus grande que l'Espagne !

L'île de Baffin se trouve dans le Nunavut. Ce territoire du Canada a été créé en 1999 justement à la suite du combat législatif de ses habitants pour réclamer leurs droits sur leur territoire. La capitale de ce territoire est Iqaluit qui est justement située sur l'île de Baffin.

Pond Inlet est située très au nord de l'île de Baffin. Lorsqu'on regarde sa siutation géographique, on peut être pris de vertige: c'est au nord du nord ! Il y a environ 1300 habitants. C'est peu mais c'est tout de même le plus gros des 4 hameaux situés au nord du 72ème parallèle. Au niveau de la civilisation, il y a pas mal de confort moderne: électricité, téléphone, Internet. La municipalité dispose même d'un site Internet (je me demande s'ils font de l'auto-hébergement: ça pourrait être drôle de récupérer des paquets IP venus du froid…)

De l'immixtion de la vie des Qallunaat dans celle des Inuits

Comme toute ville administrée par les occidentaux (regroupés sous le terme de Qallunaat qui signifie non-Inuit en Inuit), le croisement des civilisations entraîne parfois des anecdotes comme celle qui suit, qui m'a bien amusée, et qui tourne autour des enfants.

Certes, Pond Inlet est situé très au nord, mais il y existe des structures gouvernementales comme l'école en particulier. Hugh Brody nous raconte qu'étant donné la position au nord du cercle polaire de Pond Inlet, à certaines périodes de l'année, le soleil ne se couche jamais. Du coup, les horaires se décalent naturellement: les Inuits décalent leurs horaires d'activités. Ainsi, les enfants continuent de jouer tant qu'il fait jour. Toutefois, les horaires de l'école sont fixes: les cours commencent à une heure bien précise. Si l'on désire que les enfants qui se rendent à l'école soient en forme pour écouter le contenu du cours, il est important qu'ils y viennent avec une bonne dose de sommeil avant. Au bout d'un certain temps, les enseignants alertèrent les parents sur ces problèmes de sommeil en leur annonçant que la situation ne pouvait durablement perdurer et qu'il fallait faire quelque-chose. Ce à quoi les parents étaient tout à fait d'accord: il fallait que les enfants se couchent pendant la "nuit". Le désaccord était plutôt sur qui devait faire quoi. La bonne réponse occidentale eut été que les parents s'occupent de ce point, car ce sont eux qui élèvent leurs enfants. La bonne réponse Inuit fut de dire que comme les enseignants s'occupent d'école, c'est à eux de faire en sorte que les enfants se couchent à l'heure et c'est à eux de les prévenir d'aller se coucher.

Comme rappelé plus haut, le mode d'éducation des Inuits envers les enfants est particulier. Il ne fait pas la part belle à l'autorité et part du principe que les enfants savent ce qui est bon pour eux. Ainsi, pour cette fois, c'est à l'occupant de respecter cette coutume car après tout, cette contrainte d'emploi du temps a été amenée par eux… À eux de se débrouiller avec ça !

Le cimetière des Inuits

L'environnement des Inuits est particulier: il fait froid ! Dans ces conditions, j'imagine assez mal une cérémonie d'enterrement. De plus, il est bien connu que le froid conserve: comment se déroule la décomposition des corps ? Hugh Brody nous indique que les Inuits déposent leurs morts dans des cimetières, mais ils n'y enterrent pas les morts ce qui est difficile dans le pergélisol. On peut donc tomber de temps en temps sur un cimetière où les os sont apparents.

Que faire quand il n'y a plus rien à manger ?

Une autre anecdote qui vaut son pesant de cacahuètes est celle du voyage dans le Nord à traîneaux que Hugh Brody mène en compagnie d'Anaviapik et de son fils. Ce voyage qui commence plutôt bien subit des éléments déchaînés et une série de malchance (une nuit, les chiens font une razzia dans le stock de nourriture). Après quelques jours pour essayer de regagner un abri avec de quoi manger, les conditions météo empirent et nos compagnons se retrouvent sans nourriture. Au bout de quelques jours, ce sont les chiens qui commencent à mourir d'inanition.

image Wikimedia d'un Canadian Eskimo Dog
image Wikimedia d'un Canadian Eskimo Dog

On se dit à ce moment qu'à leur place, quitte à survivre, autant se nourrir des chiens morts ! C'est ce que j'ai pensé au début mais l'auteur précise dans une note de fin du livre que cela était très dangereux. D'abord, il ne faut pas oublier qu'un chien qui meurt de fin contient très peu d'éléments nutritifs (normal, c'est pour ça qu'il est mort !). De plus, en cas de famine, ingérer une viande dépourvue de graisse (c'est le cas des chiens morts: on commence par consommer les sucres rapides et lents du corps, puis le corps les synthétise à partir des corps gras et enfin, il termine en consommant les protéines de ses propres muscles) augmente le taux d'auto-combustion du corps: celui-ci synthétise l'énergie à partir des muscles pour pouvoir faire fonctionner l'appareil digestif. Pour des gens qui meurent de faim, il vaut mieux ingérer des sucres ou des lipides en même temps que des protéines.

Les Dunne-za et les animaux sauvages

Au cours de ses travaux, Hugh Brody rencontre un peuple qui se nomme Dunne-za . Ces Indiens qui vivent au Canada en Alberta et en Colombie-Britannique, près de la Peace River. C'est un peuple avec une langue bien distincte et une tradition de chasse.

Image Wikimedia d'un Caribou
Image Wikimedia d'un Caribou

Le rapport des Dunne-za avec les animaux est particulier. Pour eux, les animaux ne sont pas sauvages, ou disons que le rapport de sauvagerie est inversé. Les vaches et les chevaux sont sans doute considérés comme plus sauvages car moins courants que les animaux qu'ils chassent et pour cause. Les animaux que vous rencontrez vous sont familiers. Pour les chasser, vous devez connaître leurs habitudes, les endroits où ils passent, etc. vous devez apprendre leur mode de vie. Ainsi, ils vous paraissent moins sauvages et davantage familiers. Les Dunne-za n'étant pas d'origine agricole, une vache leur paraît donc quelque-chose d'assez éloigné de ce qu'ils connaissent…la vache est sauvage !

Le détroit de Béring

Détroit de Béring sur Wikipedia
Détroit de Béring sur Wikipedia

Certaines tribus contestent l'hypothèse du détroit de Béring encore appelée hypothèse de Clovis qui veut qu'il y a environ 15000 ans, le détroit de Béring alors pratiquable à pied à cause de la glaciation a été utilisé par les hommes de l'époque pour venir s'installer en Amérique. Cette théorie implique que les peuples d'Amérique sont issus de la Sibérie. Les tribus remettent en cause cette théorie en affirmant qu'il n'y a absolument aucune trace de ce passage d'un continent à un autre dans leurs histoires et leurs traditions orales. Ils considèrent qu'ils sont apparus là où ils sont présents actuellement.

Et en fait, cette histoire de détroit est belle et bien contestée, même par les archéologues. Certains pensent que l'origine des amérindiens est issue de plusieurs vagues de population dont des populations européennes. Je vous invite à lire la page Wikipédia sur le sujet qui donne de bonnes informations.

D'autres idées et arguments d'intérêt

De la connaissance du territoire

Selon Hugh Brody: "Pour se déplacer en toute sécurité, pour réussir sa chasse, pour accéder aux ressources naturelles et s'en nourrir, le chasseur emploie quantité de détails et les noms de nombreux endroits. Rien ne pourrait être plus utile, car il ne saurait y avoir d'autres choix: connaître ce territoire particulier, c'est prospérer; ni la terre ni sa connaissance ne peuvent être remplacées. C'est la connaissance qui parfait un territoire. Inugu révélait sa conviction profonde que c'était, pour lui, le seul foyer imaginable".

Effectivement, le rapport au monde du chasseur-cueilleur lui permet d'évoluer dans un territoire vaste, en tout cas, plus vaste que celui d'une exploitation agricole, fût-elle étendue. Sa subsistance lui est plus facile en ayant une bonne approche géographique de l'emplacement des ressources. C'est pourquoi on peut imaginer que l'enseignement chez les chasseurs-cueilleurs tourne davantage sur cet aspect conceptuel du lieu, de la même manière que nous sommes plus occupés d'esprit avec des éléments matériels (les maths, la physique, l'économie, toussa…).

Pour autant, la civilisation occidentale a également besoin de bien connaître son territoire. Nul ne peut aménager son territoire sans une bonne connaissance de ce qu'il s'y passe. Mais ce réflexe n'est pas encore répandu, d'où une opposition manifeste entre les théoriciens coupés de l'aspect terrain et ceux qui y vivent directement. Pour faire une analogie geek, disons que les chasseurs-cueilleurs ont un SIG dans la tête alors que les occidentaux ont un SGBDR à la place.

De la Genèse et du monde agricole

Image Wikimedia de la Torah
Image Wikimedia de la Torah

L'Eden est tiré de la Genèse. Le titre du livre, "les exilés de l'Eden", est nébuleux. Qui sont les exilés de l'Eden: les chasseurs-cueilleurs qui habitent aux confins du monde ou nous-mêmes qui avons été bannis de l'Eden par Dieu et qui, depuis, devons vivre laborieusement en exil ?

De fait, dans l'ensemble du livre, le récite de la Genèse qui y est partiellement retranscrit sert de point d'accord entre les idées évoquées par Hugh Brody, les idées des occidentaux et la réalité des chasseurs-cueilleurs.

Selon Brody, tout dans le comportement des occidentaux agricoles est lié ou proche de ce qui est décrit dans la Genèse. Ainsi, il semble que: "Les images, les idées et les idéaux de la civilisation occidentale ne cessent de tirer leur inspiration et leurs métaphores de l'histoire juive de la création. Les grands génies de la civilisation européenne ont enchaîné sur les onze premiers chapitres de la Genèse, et leur ont conféré une importance et un pouvoir cumulatifs et capitaux."

Or, ce récit biblique consacre la vie agricole: on y parle de cultivateurs (depuis Caïn), de bergers (Abel), d'êtres humains qui doivent (je cite la Genèse): "croissez et multipliez, et remplissez la terre, et l'assujettissez, et dominez sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux, et sur tout animal qui se meut sur la terre", d'exil, de guerres et de conquêtes, etc.

"Pourtant, la famille fermière est d'une activité et d'une énergie féroces. Les fermiers ont façonné le paysage et doivent le faire sans arrêt. Il y a des champs à restructurer, des murs à remonter, des haies à poser, des bois à tailler, des rangs d'arbrisseaux à planter, des granges à ajouter, des abris à reconstruire. Il faut encore vendre et acheter, qu'il s'agisse d'un champ ou d'une nouvelle ferme. Ce processus continu mais subtil ne cesse de modeler le paysage. Les actions cumulatives de la famille fermière ont créé la campagne, laquelle définit la nature européenne."

La famille fermière est centrée sur le modèle de la famille nombreuse: plus on dispose de bras, plus le labeur est facile. Néanmoins, plus on a de bras, plus il faut de ressources pour eux et donc à un moment donné, il est nécessaire de subdiviser les terres sur laquelle la famille fermière est répartie. Au bout d'un certain temps, la subdivision n'est plus possible: le ratio nombre de bouches à nourrir/nombres de bouches nourrissables devient supérieur à 1 et les membres de la famille fermière n'ont d'autre choix que de conquérir d'autres terres. Ainsi, l'expansion du monde agricole se poursuit de cette manière. La conquête des USA en est le symbole: les pionniers américains n'ont eu de cesse de conquérir de nouvelles terres qui leur semblaient vides (alors qu'elles ne l'étaient pas vraiment en fait). Ainsi, la famille fermière fournit des exilés: ceux qui doivent partir pour vivre (ailleurs).

Tout ceci est dans la ligne droite de ce qui est dessiné par la Genèse. Mais Hugh Brody n'est pas tout à fait d'accord avec le caractère universel de la Genèse: "Mais la Genèse n'est pas une vérité universelle sur la condition humaine. Les enfants inuits ne grandissent pas dans la malédiction de l'exil. Anaviapik serait stupéfait d'apprendre que ses descendants sont destinés à partir occuper des terres lointaines. Les chasseurs-cueilleurs constituent une profonde contradiction du message sous-jacent qui émerge des histoires de la Genèse. Ils ne consacrent pas d'intenses efforts à remodeler leur environnement. Ils ne se fient à leur connaissance des façons de trouver, d'utiliser et d'entretenir ce qui est déjà là. Les chasseurs-cueilleurs ne sont pas soumis aux impératifs de la Genèse. Ils n'espèrent pas avoir beaucoup d'enfants, ils ne souhaitent pas aller et multiplier. Dans le système du chasseur-cueilleur, tout est fondé sur la conviction que son domaine est déjà l'Eden et que l'exil doit être évité".

Ainsi, il existe une autre vision des choses qui perdure depuis des millénaires dans une histoire et une mythologie différentes. Autant on peut bien reconnaître le propre de l'homme occidental dans la Genèse, autant cette dernière n'a rien à voir avec les chasseurs-cueilleurs. Cela amène parfois à des contrastes et des points de vue saisissants: "Pour nous reposer des foules urbaines homogénéisées, nous allâmes faire un tour dans la campagne du Norfolk. Je voulais montrer à Anaviapik que l'Angleterre n'était pas que "falaises". Nous roulâmes vers le nord-est, à travers le Cambridgeshire et le Sufflok. J'avais choisi l'itinéraire le plus rural possible. Il observait les paysages verdoyants et disait: "Tout est bâti." Il ne voyait pas de différence entre ville et campagne, à part une question de degré: dans l'une, il y avait plus de gens et de maisons côte à côte, dans l'autre, plus de champs et de haies. Mais tout, haies comme maisons, était fait de main d'homme; aucun n'était "la Nature"-en tout cas, pas une forme de Nature qu'il ait reconnue en tant que telle. Il se montrait toujours amical et intéressé, mais il n'aimait pas grand-chose de ce qu'il voyait."

"La Genèse est le mythe de l'agriculture et du pastoralisme, l'histoire qui détermine le caractère et les conséquences de l'agriculture et de l'élevage. Où l'agriculture n'a pas sa place, au-delà de la limite où les fermiers peuvent s'établir, il n'y a pas de "campagne". Il y a la nature, sauvage et brute."

Il existe donc autre chose que les idées et les actes évoqués dans la Genèse et qui nous définissent bien. Une civilisation différente mais néanmoins importante et avec un trait de génie, car elle capable de perdurer et de vivre de manière heureuse dans cet environnement qui apparaît si hostile !

Se rendre comme maître et possesseur de la Nature

L'expression se rendre maître et possesseur de la Nature (de notre ami Descartes, le discours de la méthode) est assez bien illustré dans notre vie de tous les jours. En ces moments de prise de conscience de l'action de l'homme sur la Nature, il est facile de voir notre combat qui nous oppose entre la Nature asservissante et l'homme des Lumières qui sait élever sa condition. On pourrait même croire que c'est le propre de l'homme. Néanmoins, les chasseurs-cueilleurs sont l'exemple parfait que le récit de la Genèse et que les idées des Lumières ne sont qu'une partie de la pensée humaine et la vie des hommes.

En effet, "Le bien-être matériel naît de la connaissance de l'environnement plutôt que de sa transformation. De nombreuses formes de chasse et de cueillettes reposent sur une gestion des terres qui va de l'écobuage sélectif des forêts au repiquage de racines qui permettront l'année d'après une repousse abondante. Les chasseurs assurent que les animaux n'acceptent d'être tués que si on leur témoigne du respect, dans la vie comme dans la mort. Les rituels et les usages respectueux indiquent donc que les chasseurs et cueilleurs, loin d'être des récoltants passifs, sont bels et bien commis à la tâche complexe d'entretenir le monde qui les entoure, afin que son produit soit abondant. La préoccupation essentielle des systèmes économique et spirituel des chasseurs-cueilleurs est de maintenir le monde naturel en l'état. Et ce qui sous-tend ce point de vue, c'est le postulat selon lequel l'endroit où vit un peuple est idéal: tout changement ne serait donc que pour le pire."

Cette manière de se comporter à l'égard de son environnement a sans doute permis aux peuples chasseurs-cueilleurs de perdurer tranquillement pendant des millénaires sur leurs terres. On peut facilement comprendre qu'il est difficile voire impossible d'essayer de contrôler les forces de la Nature dans un environnement aussi "extrème". La seule solution de survie est de composer avec cette Nature. Et les Inuits sont particulièrement doués pour ça, preuve de leur génie. Sérieusement, vous vous voyez simplement survivre (je ne parle même pas de tenter d'être heureux) dans un environnement où il fait nuit 6 mois de l'année avec des températures de l'ordre de -40°C, sans possibilité de planter des céréales, avec un carburant qui gèle, des moteurs qui foirent (ne me dites pas que vous n'avez jamais eu de problème avec votre voiture par une froide matinée !), peu de matériaux de construction, pas trop de quoi se chauffer, de l'eau courante dans des canalisations qui gèle… Les Inuits, eux, y parviennent et ce, sans même aucun recours à la technique moderne !

Toutefois, lors de la conquête de ces territoires par les hommes blancs, ce rapport subtil à la Nature les a plutôt desservis. En effet, en arrivant sur le nouveau continent, les conquérants aperçoivent des terres très "naturelles" puisque conservées en l'état. Ils voient peu de traces des chasseurs-cueilleurs qui, en plus d'être peu nombreux, savent se faire discrets (chasseur oblige) dans le paysage. Les rites et les techniques des chasseurs-cueilleurs ne vont pas dans le sens de la construction d'édifices imposants, de monuments, de sanctuaires facilement distincts du reste. Arrivés sur la côte, le constat rapide est de dire: "ces terres sont vierges, sans hommes, elles sont à nous !"

L'égalitarisme: l'organisation sociale des Inuits

"Le profond respect des décisions individuelles est un autre aspect du mode de vie des chasseurs-cueilleurs. Plutôt que des dirigeants, il y a des experts, des hommes et des femmes dont on révère les talents; mais la décision de leur emboiter le pas ou de leur demander conseil relève d'un choix individuel. Le meneur d'une chasse n'ordonne pas aux autres de le suivre ni d'emprunter telle ou telle direction. L'expert(e) fait connaître sa décision; les autres font ensuite leur propre choix et se conforment ou non à son avis. Les normes éthiques et sociales sont fortes, mais ne sont appuyées que d'un minimum de consignes ou de rétributions organisées. La certitude qu'une action humaine se répercute sur le monde des esprits renferme une menace implicite: si l'on manque à montrer le respect requis aux animaux, où à observer des tabous importants, la famine, la maladie peuvent s'ensuivre. Mais ces règles, et les conséquences de leurs infractions, sont inscrites dans les histoires et les avis des anciens ou, si les choses tournent mal, dans les diagnostics des chamans. Les liens et les communications du chasseur-cueilleur avec le monde des esprits, via ses rêves ou d'autres formes personnelles de vision et d'intuition, sont donc suprêmement importants. Le choix et la liberté sont du ressort de l'individu, dégagés de la hiérarchie sociale"

Tel est le contrat social des Inuits: le respect de l'individu prime et le liant du peuple réside dans la connaissance du fait que les actions ont des conséquences parfois terribles sur la vie.

À noter qu'ils pratiquent également la réduction volontaire des naissances ce qui explique sans doute la faiblesse de leur population et l'adéquation nombre d'habitant/ressources disponibles.

À propos du romantisme

Tout au long de l'ouvrage, on se rend compte que les arguments livrés par l'auteur vont plutôt en faveur des sociétés amérindiennes. Il défend leurs droits à la terre, leur langue et précise à quel point la civilisation agricole et occidentale a lutté de manière perfide contre ces peuples.

Un argument qui pourrait lui être retenu, serait de se livrer à une description un peu romantique de la réalité. Hugh Brody aurait-il une vision enjolivée et idéale de la réalité ? Il s'en défend assez habilement en rappelant justement la froide réalité:

Les chasseurs-cueilleurs, des peuples de la tradition orale

Sans surprise, les chasseurs-cueilleurs se reposent sur une tradition orale. D'abord parce que l'écriture est présente chez eux de manière assez récente. L'alphabet Inuktitut a été inventé au cours du 19ème siècle. Ensuite, le mode de vie l'impose: il est plus aisé de transmettre de l'information par voie orale dans un environnement extrême. Ainsi, le poids de l'expression orale est important dans la manière de vivre et de communiquer chez les Inuits. On attend des adultes qu'ils sachent s'exprimer correctement. L'ensemble des savoirs, des histoires, des traditions et des coutumes se transmet par voie orale. La parole étant si précieuse, on ne peut pas l'employer pour n'importe quoi. C'est ce qui fait croire que les Inuits sont assez circonspects et parcimonieux en expression. Le bavardage est par conséquent peu fréquent et les prises de paroles longues car réservées à ce qui est important. Cela ne retire en rien la possibilité de plaisanter ou de

Autre anecdote: les paroles ne sont pas mesurées. Elles sont livrées avec tout leur sens. Ainsi, un père peut affirmer qu'il préfère tel ou tel enfant par rapport à un autre devant lui. En disant cela, il ne fait que dire la vérité, énoncer un fait. D'ailleurs, bien souvent, le fils moins aimé le sait et ne s'en émeut guère: ça fait partie de la vie dans le grand Nord. C'est cru mais relève d'une vérité qui a forcément des incidences dans les rapports humains. Ce mode de communication est une partie du système d'éducation: parce qu'il sait que qu'on dit de lui sans retenu, il sait à quoi s'en tenir, il dispose de repères pour adapter son comportement ou comme dis l'auteur: "La pression sociale naît de ce que l'enfant entend dire à son sujet".

Le vocabulaire et la grammaire des Inuits sont, c'est presque devenu un cliché, tributaires de l'environnement dans lequel ils vivent. Ainsi, il est bien connu que l'Inuktitut (la langue des Inuits) gère plein de mots pour désigner la neige: celle qui tombe, celle qui est épaisse, celle qui gèle, celle qui sert à faire les Igluvillat (Igloo), etc. Les mots sont formés par ce que les peuples vivent, par le milieu dans lequel ils vivent, par leur quotidien. C'est vrai également pour nous.

On le voit au travers de ces exemples, la langue est quelque-chose de primordial pour la vie des chasseurs-cueilleurs. Et on comprend mieux quel effet peut avoir la volonté de la faire disparaître. Au cours de la première moitié du 20ème siècle, de nombreux enfants Inuit ou Amérindiens ont été scolarisés, bien souvent de force, dans des internats où ils ne pouvaient pas parler leur langue natale. Coupés de leur famille, de leurs racines, l'état psychologique dans lequel ils sont revenus ne devait pas être très bon. En France, je crois savoir que la même chose s'est déroulée pour les langues régionales (breton entre autre) à la fin du 19ème siècle et 1950 avec des conséquences sans doute moins désastreuses.

La langue anglaise est mal adaptée à ces contrées où la nature est plus présente et s'exprime de manière différente qu'en climat tempéré. S'exprimer en anglais revient à perdre une grande partie de la subtilité d'une culture bâtie sur une autre langue ainsi que les possibilités conceptuelles. Le bilinguisme, au contraire, permet aux peuples chasseurs-cueilleurs de conserver leur langue tout en permettant de vivre plus insérés ou avec des possibilités de communication plus nombreuses avec leurs voisins de langue anglaise. C'est un peu la même chose avec nos Bretons qui pratiquent ce bilinguisme avec beaucoup de verve.

Le respect de l'environnement: le fondement de la vie des chasseurs-cueilleurs

Comme le résume très bien Hugh Brody: "Tous les chasseurs-cueilleurs avaient des règles sur la façon de traiter les animaux qu'ils chassaient et les plantes qu'ils récoltaient - des règles établies dans le but de témoigner et de perpétuer la bonne volonté. Ceci donnait lieu à des récoltes sélectives et à des formes de gestion des populations d'animaux sauvages. Les cueilleurs de plantes laissaient des tubercules dans le meilleur sol, pour permettre une croissance abondante la saison suivante. Certains chasseurs du Subarctique et des Prairies allumaient des feux pour que les arbres tombés ou les buissons denses ne remplacent pas les baies, les saules et les herbes dont dépendaient leurs économies. Bien des systèmes de pêcheries veillaient à ce que les saumons, ou autres espèces migratrices, puissent remonter les rivières. La science occidentale sait expliquer la fonctionnalité de toutes ces pratiques; la préoccupation centrale des chasseurs-cueilleurs eux-mêmes était leur relation avec les créatures qu'ils prélevaient. Dans cette forme de gestion, les gens sont certains que s'ils font des choses justes, le mode demeurera tel qu'il doit être; les créatures et les plantes qu'ils consomment, se sentant bienvenues et respectées, continueront d'êtres disponibles."

Ainsi, une autre différence apparaît entre les chasseurs-cueilleurs et les agriculteurs: les premiers respectent alors que les seconds contrôlent. Ces peuples vivent dans des milieux extrêmes. "Pourtant ces chasseurs-cueilleurs se plaisent dans leurs terres, et ont tout à fait confiance dans ce qui constitue pour eux une manne de ressources. Ils ne convoitent pas d'autres terres, ils n'expriment pas le désir de vivre sous les climats plus doux ou dans les paysages plus accueillants qui ont tant d'attrait pour les fermiers et les bergers.

"Le propos fondamental du chasseur-cueilleur est de maintenir le monde naturel en l'état." Celui-ci est le meilleur possible: pourquoi vouloir le changer ? On est bien loin de l'ère humaine asservie par la Nature et qui tente de s'en extirper… Avec une telle vision des choses, les problèmes d'écologies apparaissent sous un angle différent: un angle primordial alors que la société occidentale a bien du mal à parvenir à se décentrer de son sacro-saint problème économique.

Conclusion

Le travail de Hugh Brody décrit dans cet ouvrage amène une certaine fraîcheur dans les idées occidentales sur les peuples chasseurs-cueilleurs. J'ai beaucoup appris en lisant ce livre sur la manière dont fonctionne l'univers Inuit et des peuples du Nord-Canada.

Parfois, je recoupe ces idées avec un autre ouvrage que j'ai lu sur les hommes de ces lieux. Le livre d'Emeric Fisset: Dans les pas de l’Ours, Une traversée solitaire de l’Alaska sauvage trace un autre regard sur les Inuits et les Aléoutes. Il décrit ces hommes comme passifs, assez insensibles à ce qui se passe, un peu mous. Il a pourtant un contact assez privilégié avec eux (il séjourne pendant plus de 4 mois au sein de leurs familles). On ne retrouve pas le côté enthousiaste de Hugh Brody sur ce sujet qui dépeint un peuple Inuit attachant, doué pour la communication, avec de vraies règles sociétales et des coutumes fines et élaborées.

Certes, les hommes qu'Emeric Fisset a rencontré ne sont pas au Canada mais aux USA, ce qui a sans doute une influence puisque les conditions de conquête de leurs territoires ainsi que les modes d'administration par les occidentaux sont un peu différents (il n'y a peut-être pas les mêmes règles sur les concessions de pétrole et de gaz sur l'île de Baffin).

Dans ce monde occidental qui perd continuellement ses repères (crises économiques), où l'on sent que le poids de la responsabilité environnementale se fait de plus en plus fort, la vision de la vie des peuples chasseurs-cueilleurs nous amène un autre mode de pensée, quelque-chose de différent sur lequel l'humanité entière peut s'appuyer pour rebondir, pour sans doute, reprendre espoir. Le fait de voir qu'il est possible de vivre heureux avec un matérialisme adapté dans un univers stable amène un sentiment positif d'apaisement et peut nous rassurer.

En tout cas, c'est bien ce qui m'est arrivé en lisant cet ouvrage !