Return To Monkey Island🔗

Posted by Médéric Ribreux 🗓 In blog/ Blog/

#games

En 1990, j'avais 12 ans. Mon cousin avait un PC VGA avec des jeux sympas dont The Secret of Monkey Island. Ce jeu est celui qui m'a littéralement scotché en termes de réalisation. J'ai été complètement aspiré par ces graphismes, par le fait qu'on pouvait se ballader où on voulait, simplement pour mater le paysage, par ces personnages avec une personnalité réelle et affirmée.

Et donc, muni d'un set de disquettes vierges, j'ai délibérément copié le jeu (c'était illégal, ça l'est toujours, mais j'en ai toujours rien à foutre). Pour contourner la protection qui impliquait d'avoir acheté le jeu en boîte, j'ai littéralement utilisé un papier calque pour "photocopier" le disque avec les têtes de pirates. Munis de ces précieux artefacts, je me suis empressé de revenir à la maison et jouer à The Secret of Monkey Island… en mode CGA (car mon Sinclair PC200 de l'époque n'avait que çà). Pour les nostalgiques, ça ressemble à ça:

Le SCUMM bar en CGA
Le SCUMM bar en CGA

A l'époque, j'étais un vrai fan de ce jeu et de ses puzzles que je ne percevais pas comme tels. Car oui, un point'n click n'est jamais qu'une espèce de puzzle où il faut emboîter des pièces entre-elles. Mais l'habillage apporté par la techno fait que le puzzle se transforme en scènes d'action et d'exploration. On oublie tout le côté physique des formes des pièces et on essaye d'y voir une trame narrative. Même si, au final, on se retrouve souvent à tester d'emboîter brutalement toutes les pièces entre elles pour voir si jamais, par hasard, il ne se passerait pas quelque-chose. Je suis certain que vous aussi vous avez essayé de donner le poulet avec une poulie au milieu au chien du SCUMM bar ou encore d'autres trucs farfelus ! Même en CGA avec un son d'IBM Speaker, ça faisait son petit effet.

Avec le temps et l'évolution des jeux vidéos, les point'n click avaient tout simplement disparus. C'était un genre novateur dans le milieu des années 80 qui permettait d'avoir des jeux assez longs à faire (et donc pour faire aussi durer le plaisir). Si on regarde tout simplement ce que LucasArt a fait dans cette décennie, on remarque au moins un point'n click AAA par an (de Maniac Mansion à Full Throttle).

Pour ma part, j'en ai fait un paquet de ces jeux, avec à chaque fois un intérêt certain (Indiana Jones and the Fate of Atlantis a illuminé ma 3ème). Et puis, d'un seul coup, ça s'est arrêté pour moi: je suis parti vers d'autres horizons. Mais cet univers de pirates déjantés avec cette pointe d'humour ironique qui m'avait littéralement envahi dans ma pré-adolescence, est resté actif dans mon cerveau. Avec le temps, et surtout grâce à ScummVM, j'ai toujours pris le temps de me refaire "The Secret of Monkey Island" régulièrement.

Un jour, au cours de ma veille techno, je suis tombé sur le site de Ron Gilbert (le créateur de Monkey Island): Grumpygamer et j'ai vu qu'il avait le projet d'un nouveau jeu point'n click moderne: Thimbleweed Park. Sans trop réfléchir, je l'ai pré-commandé direct. Il faut dire que quand un maître de moteur de jeu de point'n click se met en équipe avec Gary Winnick, David Fox et qu'ils embauchent Mark Ferrari pour les graphismes, tu ne réfléchis pas trop, tu sais que ça va être bien. Et pour le coup, Thimbleweed Park est assez génial. Il respire la nostalgie à 200%, une espèce de Maniac Mansion des temps modernes, y compris sur le plan graphique. J'y ai joué pendant longtemps et j'ai vraiment adoré la fin et aussi les partis pris (le héros est une héroïne par exemple). Et puis, les graphismes, tout en utilisant un moteur moderne, respirent complètement les techniques de l'époque. Je vous laisse voir ce que Mark Ferrari a fait sur une scène dans un article de blog de développement de Thimbleweed Park (voir la vidéo). C'est du pixel art, mais bien modernisé et ça rend vraiment très bien, le souci du détail est proche de la perfection. On s'y croirait presque. C'est un moyen efficace de retourner dans le temps. Je l'ai même racheté sur Switch pour pouvoir y jouer dans le train, c'est dire !

Et puis, en 2022 est sorti le dernier Monkey Island. Alors, attention, quand on touche à un mythe comme ça, même en reprenant une équipe digne de ce nom, on risque forcément de faire des déçus. Pour ma part, j'ai patiemment attendu la sortie du jeu, après avoir suivi les annonces. Cette fois, j'avais un peu plus d'appréhension. Mais je l'ai finalement récupéré fin 2022 et j'y ai joué début 2023 (cet article a d'ailleurs été écrit à cette époque, mais je ne l'ai terminé que tardivement, lui évitant d'aller à la poubelle parce que se plonger dans ses souvenirs, ça vaut toujours la peine).

Alors, qu'est-ce-que je pense de Return To Monkey Island ? Et bien, je pense que c'est un bon jeu pour les fans de la série originale. On y retrouve à peu près tout l'univers de l'époque du jeu. C'est très fidèle à ce à quoi j'avais joué dans les années 90.

D'abord, ça m'a tout de suite replongé dans cette décennie. C'est vraiment la suite directe de The Secret of Monkey Island 2. En quelques clics, je me suis retrouvé en 1993, comme par magie. Les pixels étaient moins gros, les graphismes plus élaborés, mais fondammentalement, j'ai retrouvé des lieux que je connaissais déjà pour les avoir parcourus des centaines de fois depuis ces 3 dernières décénnies. Rien que cet aspect retour vers le passé vaut son pesant de cacahuètes: c'est un moyen pas cher de retrouver un état d'esprit de soi-même, en plus jeune, avec l'expérience accumulée. Ce retour vers l'enfance fait toujours du bien. La carte de l'île de Mélée que j'ai dessinée manuellement il y a tant d'années me rend toujours nostalgique de cette époque et elle fait partie intégrante de tout jeu de la saga Monkey Island.

Si je devais émettre une petite critique (il faut bien en parler), j'aurais aimé que les graphismes soient du même type que ceux de Thimbleweed Park. Parce que là, je pense que ça m'aurait fait rajeunir de 30 ans au moins et, l'instant de quelques heures, j'aurais pu rebrancher mon cerveau d'enfant à celui d'adulte en direct et avoir l'impression que rien n'avait changé, qu'on était dans la continuité. Mais trève de nostalgie, je suis un adepte du pixel art, y compris à la sauce moderne. Je pense que c'est une forme d'expression qui stimule l'imagination du joueur. Et ça compte vraiment, y compris une fois devenu adulte.

Globalement, le pixel art fonctionne de la manière qui suit: on visualise une image de jeu et en fermant les yeux et en se remémorrant l'image, on peut "voir" le monde tel qu'il est amélioré automagiquement par son cerveau. Quand je joue en CGA à Monkey Island et que je me remémorre le SCUMM bar, je vois des détails qui n'existaient pas car mon cerveau améliore les pixels grossiers de l'image d'origine. Et c'est ça la force du pixel art: la suggestion améliorée par l'imagination. À l'inverse d'un FPS ultra-réaliste, c'est un mode graphique particulier qui repose non pas sur une carte graphique avec un gros GPU, mais sur une forme d'art subtile qui fait le rendu sur un cerveau humain. Et ça, croyez moi les enfants, c'est fascinant parce que 30 ans plus tard, c'est resté tel quel !

Et n'en déplaise aux joueurs qui ont été déçus par la fin qui révèle le secret de l'île aux singes, j'ai été particulièrement enchanté de voir le jeu se terminer un peu comme Monkey Island 1 et 2 s'étaient terminés: de manière un peu brutale, mais toujours décalée. Pour moi, ça incarne l'esprit Monkey Island, jusqu'au bout.

En conclusions, j'ai bien aimé Return To Monkey Island. C'est un point-and-click comme on en fait plus trop, il y a les mêmes ingrédients que sur le 1er: de l'humour, des graphismes typiques (même s'ils ne sont plus en pixel art), des personnages attachants, des lieux à découvrir, une géographie, une ambiance, un thème. Je n'ai pas eu le même enthousiasme que pour Thimbleweed Park, sans doute parce que Thimbleweed Park est sorti avant Return to Monkey Island. Mais c'est ma seule petite frustration. Pour autant, je crois que je vais continuer à rejouer de temps en temps au 1er Monkey Island. Celui-là, il est gravé à jamais dans mon coeur il faut croire.

Ceci-dit, ça me fait penser que je n'ai toujours pas joué à Delores et je crois qu'il est maintenant temps de remédier à ça…