Fire Walk With Me🔗
Fire Walk With Me
C'est par ces quelques mots que j'achève mon visionnage de la série Twin Peaks) et du film "Fire walk with me") qui lui est lié. Arte (une des seules chaînes de télévision qui justifie la redevance audiovisuelle) a en effet diffusé du 19 avril au 28 juin 2011 les 30 épisodes de la série. Je me suis efforcé d'enregistrer tous les épisodes diffusés sur la chaîne pour pouvoir les regarder en temps normal: ils sont diffusés entre 22h30 et 1h00 ce qui correspond à un moment où normalement, je dors.
En règle générale, les séries me soulent. C'est fastidieux à regarder, c'est très consommateur de temps et comme il en sort tellement ces derniers temps qu'on ne peut pas s'accrocher à tout, on en vient à en être un peu dégouté ou submergé. Malgré cet à priori, j'ai franchi le pas pour Twin Peaks et ce pour plusieurs raisons. La première c'est que la série date du début des années 90, (la période du début de mon adolescence) et ça me donne un peu l'occasion de revenir dans le temps. Les personnages qui y sont décrits et le monde de l'époque transparaissent forcément dans les épisodes. La deuxième raison est que j'avais déjà entendu le thème original du générique et il m'avait complètement intrigué: en plus d'être très beau, il est loin de coller au contenu d'une série décrite par les néophytes comme série d'enquête policière. La dernière raison est que d'une manière générale, beaucoup de personnes trouvent cette série comme étant mythique…
Je m'y suis donc mis avec assiduité. L'épisode pilote est marquant: on y découvre le début de l'intrigue (Laura Palmer est morte) et le ton de la série, tout en finesse, avec une pointe d'humour liée aux personnages. C'est bien mené, on a envie de voir la suite. Ce qui a fini par me surprendre c'est d'apprendre que la série est réalisée (en partie) par David Lynch (le vrai, pas un homonyme) et que ça se voit. De surcroit, David Lynch a lui-même un rôle dans la série: celui de Gordon Call, un agent du FBI, supérieur de l'agent Dale Cooper. Ce dernier est le héros central de la série. C'est un agent du FBI qui enquête sur le meurtre de Laura Palmer, une jeune fille de 17 ans (la reine du lycée), habitant dans la bourgade de Twin Peaks et qui a été retrouvée morte, enveloppée dans une bâche en plastique.
Si les premiers épisodes qui tournent autour de l'affaire Laura Palmer laissent penser que la suite est une série policière, on se rend compte rapidement que quelque-chose cloche. D'abord, tous les personnages ont une histoire particulière et des problèmes assez graves (meurtre, drogue, prostitution). Mais la série a une accroche très "mystique" qui lui donne un air de X-Files avant l'heure, mélangée avec des relents de chamanisme amérindien. Au final, le tueur de Laura se révèle être un esprit du nom de Bob (killer BOB) qui tente de prendre possession et de pervertir les âmes. Cet esprit, ainsi que d'autres, réside, lorsqu'il n'est pas dans un corps, dans un lieu appelé Black Lodge. Mettre tout ça en corrélation implique une imagination débordante (ou une prise de LSD) et David Lynch sait très bien vous emmener sur le terrain d'une interrogation permanente.
La bande originale du film (la soundtrack) est tout simplement magnifique. La musique de générique m'avait bien marqué mais le reste est franchement à la hauteur: ça ne ressemble à rien de connu car du jazz s'y mélange avec du rock et de la musique classique. C'est très percutant et on peut dire que la musique contribue vraiment à forger l'identité de la série.
Un volet qui m'a vraiment surpris est celui du frisson: je me suis surpris à avoir peur dans le noir. L'image de Bob le tueur qui s'échappe du corps de Liland Palmer (ça y est, vous savez qui a tué Laura Palmer) et qui prend la forme d'un hibou m'a glacé le sang. De même la scène du meurtre de Laura, dans la pénombre, avec des flashs d'éclair est marquante. Je ne vous parle même pas du moment où Mady aperçoit Bob qui surgit par surprise dans le salon déclenche quelques palpitations cardiaques accélérées. Pour revenir sur le personnage de Bob, ce n'est pas tant son apparence physique qui fait peur mais plus la manière dont il surgit et également sa constitution: il est esprit avec de grands pouvoirs et il semble se nourrir de la peur des gens (un peu comme Freddy). De fait, il semble invulnérable et mauvais et c'est bien ça qui fout les boules, en plus de la manière dont il est filmé.
"Fire walk with me" (le feu marche avec moi) est une phrase inscrite par Bob le tueur dans le wagon où est tué Laura Palmer. C'est également une phrase qui revient de temps en temps, lorsqu'on touche au monde des esprits et de la Black Lodge. C'est aussi le titre du film qui a suivi l'arrêt de la série, diffusé en 1992.
Par rapport à l'esprit mythique de la série, je dois avouer que, dans un premier temps, je n'ai pas trouvé qu'il était très présent. Mes à- prioris avaient mis la barre très haut et Twin Peaks ne fonctionne pas comme ça. Il n'y a pas de rebondissements spectaculaires ou de coup d'éclats surprenants. On est très loin des débuts de la série Lost. Le côté mythe de Twin Peaks intervient progressivement. C'est en appréciant l'action et la manière de vivre des personnages, en prenant acte des lieux propres à la série qui ont leur identité propre (comme la chambre rouge, la forêt qui abrite les esprits, le café de Norma, la maison en travaux de Leo et Shelly, l'hôtel du grand Nord, etc.) que le mythe se forge. Pour terminer sur ce volet, disons qu'on ne tombe pas de son tabouret mais qu'à la longue, on devient quand même accro.
Néanmoins, je dois avouer que j'ai été franchement déçu par les deux derniers épisodes. A l'époque, ABC (la chaîne qui avait commandé et diffusé la série) avait décidé de stopper Twin Peaks dans le courant de la deuxième saison pour cause de chute d'audience (un grand classique). Les producteurs de Twin Peaks (Mark Frost et David Lynch), qui avaient sans doute anticipé sur la création d'une troisième saison, ont donc dû terminer en vitesse leur travail. Si le résultat est à la hauteur en termes de logique et en termes de continuité d'intrigue (quoique parfois, comme avec la partie d'échec entre Cooper et Windom Earl), la fin de Twin Peaks m'a clairement laissé sur ma faim. On voit clairement qu'on aurait pu sans problème ajouter une troisième saison. Et puis surtout, la fin laisse trop de questions en suspend. Les deux derniers épisodes déroulent un scénario qui apporte des réponses interprétées: rien n'est révélé clairement, c'est votre imagination qui tente de remettre en ordre le puzzle de tous les détails que vous aviez pu noter depuis le début de la série. Pour vous dire, en voyant la fin du dernier épisode, je me suis dit qu'Arte en avait oublié un. J'ai dû vérifier sur Internet que la fin était bien celle que j'avais visionnée. Ah que de frustration !
C'est justement pour étancher cette frustration que j'ai découvert une autre part du mythe: l'excellent site twinpeaks.org qui est une vraie mine pour répondre à toutes vos interrogations sur la série. Il date de 1997 et cette époque de web en mode texte et sobre est un vrai bonheur. A lui seul, le site vaut le détour tant il contient d'éléments en phase avec l'esprit de l'époque. Il est composé en grande partie, de compte-rendus de messages publiés sur Usenet à l'époque où la série a été diffusée. C'est donc un site construit avec de la matière de 1990. Si vous avez suivi la série et que vous continuez à vous poser des questions, vous pouvez lire les réponses de la FAQ. Je me suis rendu compte de pas mal de détails en parcourant le site. Certes, c'est du mode texte mais la carte de l'état de Washington en ASCII vaut le détour !
Si vous cherchez de l'information sur la série, il y a également de bons contenus sur Wikipédia (la plupart des liens de cet article). La version en langue anglaise est toutefois plus étoffée avec, par exemple, un guide des épisodes.
Au final, Twin Peaks est une série que je vous recommande: elle est claire, bien réalisée, complètement à l'opposé de ce qu'on peut voir de nos jours. Le scénario laisse suffisamment de matière à votre cerveau pour doper votre imagination et vos spéculations iront de bon train ! Et puis quelle musique…