Confinement mon amour !🔗
Posted by Médéric Ribreux 🗓 In blog/ Blog/
#freedom #job #life #nature #randonnée #self-sufficiency #social issues #work
Note de l'auteur: Rédigé le 18/03/2020. Amendé le 05/05/2020.
La journée de travail vient de se terminer. J'ai pris le temps d'aller courir une bonne demi-heure. C'est sur le chemin du retour, alors que j'ai arrêté ma course, arrivé à mon domicile que j'ai ressenti la différence de la situation. Et j'ai réalisé que c'était bien, que j'étais bien et que ce moment était extra-ordinaire.
Car, comme vous le savez sans doute, ce 18/03/2020, la France est confinée. Pour essayer d'endiguer le déploiement massif du SARS-Cov-2, l'État français a assigné à résidence toute la population française, moyennant quelques exceptions notables.
Pour ma part, j'ai la chance de pouvoir télétravailler même si mon employeur a attendu le mot d'ordre gouvernemental strict et ferme du 16/03/2020 pour m'y autoriser. En temps normal je me tape au minimum trois heures de transport par jour et 200 kilomètres en train/vélo/voiture. Aujourd'hui comme hier, mon temps de trajet a été éliminé et j'ai adoré. Du coup, je commence à travailler plus tôt et je finis à peu près à la même heure. À la fin de la journée, lorsque je rentre chez moi (ce que je fais en éteignant mon ordinateur), je me sens fatigué par le travail accompli mais encore plein de forces et de volonté. D'habitude, je rentre énervé et épuisé, pareil à un légume, à qui il reste à peine 2h pour manger, préparer la journée du lendemain et aller dormir avant de repartir pour un cycle.
La preuve la plus immédiate, j'arrive à écrire un article de blog après le travail. Ça ne m'est pas arrivé depuis 6 années.
Pour en revenir à mon sentiment de départ, sur ce calme enfin perceptible, je constate que les gens restent enfin chez eux et ne sortent guère. Et le monde, d'un seul coup change. Tout me devient plus facile, plus abordable, plus humain, plus naturel. Le bruit anthropique a soudainement disparu et tout ce qui est lié aux turbulences futiles de l'activité de la civilisation agitée cesse enfin:
- plus de bagnoles à la con qui font un boucan pas possible en permanence, utilisées pour un oui ou pour un non. Et aussi, adieu la pollution qui va de pair (CO2 et tous les autres gaz à la con).
- terminé les gens dans la rue ou dans les espaces publics, qui vont qui viennent, qui se tapent la discut, qui se regroupent en masse, tu ne sais pas pourquoi. Enfin, les rues sont fluides, les magasins abordables (en termes de densité humaine et puis, de toute manière, on s'en fout vu qu'on n'y va le moins possible), la cacophonie a cessé. Aussi terminées les migrations pendulaires qui font chier tout le monde. Fin du concept où tout le monde finit par faire la même chose au même endroit, au même moment.
- terminé aussi les avions à la con dans le ciel, qui eux aussi font un boucan très perceptible (même au fin fond de la Lozère, en Margeride, ils arrivent à faire suffisamment de bruit pour me déranger quand je fais de la randonnée, c'est terrible). Le ciel est enfin libre de toutes ces traînées blanches et tout ce CO2 balancé juste pour déplacer des gens et des bagages.
- enfin, j'entends les oiseaux qui sont revenus dans le jardin. J'ai cru qu'ils avaient disparus cet hiver et qu'ils ne reviendraient plus jamais. Ce sentiment extra-ordinaire lorsque tu peux entendre un corvidé croasser tout en volant dans le ciel (j'ai connu ça uniquement en montagne). C'est précieux tout ça, car c'est rare.
J'ai l'impression de me sentir enfin à ma place, l'impression de vivre dans un monde où je me sens bien, où j'ai enfin trouvé la paix, où je ne suis plus en conflit, plus obligé de lutter pour exister dans le brouhaha constant de l'activité humaine.
J'ai déjà vécu ce moment lors de mes randonnées dans les instants qui précèdent la nuit, alors que je suis à mille lieues de toute habitation, à plus de 2000 mètres d'altitude s'il le faut ou encore au niveau du 58ème parallèle sur l'île de Lewis. Mais jamais je n'aurais cru possible de vivre ce moment dans le lieu que j'habite tous les jours.
La solitude, plutôt le fait d'être seul et isolé, ne me pèse pas et je sais que beaucoup d'êtres humains sont comme moi (les fameux introvertis). Au contraire, il m'arrive souvent de me sentir seul dans un groupe car ignoré, mis à l'écart ou ne parvenant pas à communiquer dans ce bordel ambiant. Le fait d'être confiné socialement ne me pose donc aucun problème: ça fait des années que je m'y entraîne et j'ai développé des stratagèmes pour le gérer au quotidien, à la différence de tous ces personnes extraverties qui sont maintenant perdues et malheureuse, du fait de ne plus pouvoir être le groupe !
J'aimerais que ce moment dure le plus longtemps possible, que ce soit comme ça tous les jours…
(ajouté le 05/05/2020)
… Et pourtant, je sais très bien que ce ne sera qu'une simple parenthèse. Moins de 15 jours après le début du confinement, les sadiques journaux télévisés parlaient déjà en continu du dé-confinement (c'était il y a plus d'un mois, rendez-vous compte) tout en montrant des grands espaces vides aux spectateurs, histoire de leur mettre la pression sur leur condition (rendez-vous compte mes bonnes gens, vous êtes enfermés et tous les jours je vous parle de ce que vous ferez quand vous serez libérés ! Alors, ce confinement, pas trop dur ?).
Ce qui n'a pas changé aussi, c'est les pubs à la télé. Depuis le début du confinement on a toujours droit aux éléments de l'ancien monde (avec un petit zeste d'ajustement). Par exemple on vante les mérites d'une voiture alors qu'on n'a plus le droit de se déplacer. D'ailleurs, si vous êtes attentifs, vous verrez que dans les pubs pour voiture, on vous montre toujours le véhicule dans une rue, de préférence une grande avenue, où il n'y a pas d'autres voitures. Ce qui correspond à quelque-chose qui n'existe pas (sauf pendant le confinement bien sûr), car les grandes avenues sont toujours saturées à l'excès. Ça fait croire au conducteur qu'il sera plus libre avec cette voiture alors qu'il finira par se faire chier dans les bouchons comme les autres.
Je sens aussi l'impatience de ces gens que je croise quand je vais courir et qui n'en ont rien à foutre du fait de ne pas se regrouper dans un lieu public. Déjà les voitures refont leur apparition dans les rues à un stade que j'arrive à percevoir. Certains sont retournés au travail et vont et viennent comme avant. Les enfants recommencent à repeupler les espaces de jeu en communs (alors que c'est strictement interdit encore).
Après, ce confinement n'est pas si parfait que ça. Certes, il y a moins de gens dans l'espace public mais parfois l'espace privé déborde bien grassement sur l'espace public et aussi sur d'autres espaces privés: tous les gens qui ont des gosses qui hurlent dès qu'ils sont dans leur jardin parce qu'ils n'ont pas été éduqués au silence, ça finit par être gênant et pénible, surtout avec les beaux jours qui reviennent. Je ne vous parle pas des gamins qui passent plusieurs heures par jour à taper de la balle (au basket, au foot dans le mur, histoire de bien faire du bruit pour tous les voisins), etc. Mais ça, c'est le problème de la promiscuité et de la densité humaine qui finit toujours par provoquer des situations fâcheuses. Je me console en me disant que si j'habitais dans un appartement j'aurais sans doute déjà tué tout le monde (ou plutôt déménagé, c'est moins dangereux) !
Et puis les êtres humains ont du mal avec le changement. Ils préfèrent tous ce qu'ils connaissent déjà à une situation inconnue même si elle est meilleure. Et puis, cette situation n'est sans doute meilleure que pour une minorité d'entre nous. Sinon ça fait bien longtemps que cette société serait plus douce, plus sereine, moins agressive.
Pour autant, je suis heureux d'avoir vécu ce moment où la civilisation se calme enfin, moment où je me sens franchement mieux que dans la situation habituelle. J'ai pu expérimenter ça sur près de 2 mois et, à moins de devenir enfin ermite, je crois que je n'aurais plus guère l'occasion de le revivre. Mais je garde précieusement cette expérience au fin fond de mon cerveau. Puisse-t-elle me donner la force de chercher et trouver un lieu où je puisse vivre en paix et avec le niveau de sérénité qui corresponde à mon niveau de bien être…